Pourquoi s’intéresser à la spiritualité en milieu de santé?

Auteurs-es

  • Guy Jobin, Ph. D., D. Th. Professeur titulaire de théologie morale et d’éthique, Faculté de théologie et de sciences religieuses, Université Laval, Québec, Québec, Canada.

Mots-clés :

Spiritualité, Milieu de santé, Réflexions, Expérience spirituelle

Résumé

L’intérêt pour l’expérience spirituelle des personnes malades, des membres de leurs familles et du personnel soignant est désormais institutionnalisé dans les milieux de soins occidentaux. Par-delà les différentes modalités de l’accompagnement et de son organisation au sein des établissements ou à domicile, un regard empreint de curiosité et d’empathie marque l’ouverture du monde biomédical et clinique aux répercussions de la maladie sur la vie spirituelle des personnes concernées. C’est sous forme de bilan de quinze années consacrées à la recherche sur ce sujet que je présenterai quelques réflexions dans ce texte.

Références

Ce texte est issu d’une conférence donnée à la Chaire Religion, spiritualité et santé le 25 novembre 2022. Je remercie l’équipe d’animation de la Chaire, la professeure Elaine Champagne, titulaire, et madame Johanne Lessard, adjointe à la Chaire, pour l’invitation et l’organisation de cet événement. La Chaire Religion, spiritualité et santé fut créée en 2001 à la Faculté de théologie et de sciences religieuses de l’Uni- versité Laval. Le professeur Raymond Lemieux en a été le premier titulaire jusqu’en 2007. C’est la professeure Elaine Champagne qui la dirige depuis le 1er juin 2022.

Je regroupe dans la notion de « monde clinique » les acteurs et les institutions qui le composent.

Le terme acteur est à entendre ici en son sens sociologique, c’est-à-dire comme désignant une personne agissant dans une institution selon un rôle et des statuts définis par ladite institution. En ce sens, les personnes malades sont aussi des acteurs dans l’établissement sanitaire.

Minton, M.E., Isaacson, M., Banik, D. Prayer and the 12. Registered Nurse (PRN): nurses’ reports of ease and disease with patient-initiated prayer request. J Adv Nurs. 2016. Sep ;72(9) :2185-95. doi : 10.1111/jan.12990. Epub 2016 May 1. PMID : 27134140 ; McMillan, K., Taylor, E.J. Hospitalized Patients’ Responses to Offers of Prayer. J Relig Health. 2018 Feb ;57(1) :279-290. doi : 10.1007/s10943- 017-0454-5. PMID : 28741091 ; Cadge, W., Ecklund, E.H. Prayers in the clinic: how pediatric physicians respond. South Med J. 2009 Dec;102(12):1218-21. doi: 10.1097/SMJ.0b013e3181bfac71. PMID : 20016427.

Je m’inspire ici de la réflexion du philosophe Paul Ricœur sur les rapports entre concordance et discordance dans les récits de soi (Temps et récit, t. 1 L’intrigue et le récit histo- rique, Paris, Seuil, 1983, p. 79-92) et sur l’unité narrative de la vie (Soi-même comme un autre, Paris, Seuil, 1990, p. 191). Des outils de mesure comme le FICA (https ://gwish.smhs. gwu.edu/programs/transforming-practice-health-settings/ clinical-fica-tool), le SPIR (E. Frick et al., «A Clinical Interview Assessing Cancer Patients’ Spiritual Preferences », European Journal of Cancer Care, vol. 15, no 3, 2005, p. 238-243) ou le SDAT ( S. Monod et al., «Validation of the Spiritual Distress Assessment Tool in older hospita- lized Patients », BME Geriatrics, vol. 12, no 13, 2012, DOI : 10.1186/1471-2318-12-13).

Guy Jobin, Des religions à la spiritualité. Une appropriation biomédicale du religieux dans l’hôpital, Bruxelles, Lumen vitae, 2013.

Guy Jobin, « Êtes-vous en belle santé ? Sur l’esthétisation de la spiritualité en biomédecine», dans G. Jobin, J.-M. Charron, M. Nyabenda (dir.) et la collaboration de J. Lessard, Spiritualités et biomédecine. Enjeux d’une intégra- tion, Québec, Presses de l’Université Laval, 2013, p. 41-61. Selon Didier Fassin, la médicalisation «consiste à conférer une nature médicale à des représentations et des pratiques qui n’étaient jusqu’alors pas socialement appréhendées en ces termes. Elle est avant tout la redéfinition d’un problème existant dans un langage médical. [...] La médicalisation n’est pas en soi l’appropriation par les médecins d’un problème qui, auparavant, ne relevait pas de leurs préro- gatives, même si c’est historiquement souvent le cas. Elle est une transformation culturelle et non simplement une conquête professionnelle.», cf. Didier Fassin, «Les poli- tiques de la médicalisation», dans Pierre Aïach et Daniel Delanoë (dir.), L’ère de la médicalisation. Ecce homo sanitas, Paris, Anthropos, 1998, p. 5.

M. J. Hanson, D. Callahan (ed.), The Goals of Medicine. The Forgotten Issues in Health Care Reform, Washington D.C., Georgetown University Press, 1999.

Sans entrer dans les détails d’un débat qui dépasse le cadre de cet article, il faut tout de même mentionner que la définition de la neutralité de l’État dépend du régime de laïcité qui prévaut sur son territoire, qu’elle soit sanctionnée par une loi ou non. Sur les différents régimes de laïcité, on consultera avec profit l’ouvrage suivant: Micheline Milot, La laïcité, Ottawa, Novalis, 2008, p. 42-66.

Il y aurait, bien sûr, beaucoup plus de matière à présenter pour donner une idée de la notion de salut dans le chris- tianisme. Mon but est de simplement montrer que cet état idéal, d’un point de vue chrétien, a son équivalent dans la tradition spirituelle émergente dans le monde biomédical et clinique.

volume 23, numéro 1

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Publié

2023-07-01