Résumé Le contexte de la cité comme emblème de la modernité, l’influence de la science-fiction et le manifeste Genèse de la formation Une œuvre à part Style et genre musicaux Les deux versions d’une même œuvre Au cœur de l’analyse de quelques mouvements Quête ethnologique de soi et approche des undercommons Conclusion Bibliographie

Symphonie pour le jour où brûleront les cités (Art Zoyd) comme passerelle des undercommons

Noël Jouenne
Laboratoire de Recherche en Architecture (LRA), École Nationale Supérieure d’Architecture de Toulouse

Résumé

Jusqu’où la musique peut-elle influencer notre vie? Voilà une question qui a longtemps taraudé l’esprit du chercheur alors qu’elle accompagnait son parcours. Pas n’importe quelle musique : celle d’Art Zoyd, une formation maubeugeoise dont le parcours et le discours ont eu une influence sur sa propre trajectoire et sur ses choix. Était-il plus réceptif à cette musique qui explorait de nouvelles dimensions ou bien cette dernière participait-elle aux undercommons? Retraçant l’histoire de cette période, cet article cherche les moments opportuns qui ont permis de prendre conscience qu'à travers les « sous-communs », une autre destinée était possible.

Le lien que l’on entretient avec la musique appartient-il au domaine de l’ethnologie? Dans quelle mesure une œuvre musicale peut-elle influencer une trajectoire sociale? Ces questionnements se situent à la croisée d’une approche d’anthropologie réflexive, dans une ethnologie de soi (Auger 2010) telle qu’on pourrait le concevoir en Amérique du Nord (Winkin 2019). Dans les propos qui suivent, il sera question de ma trajectoire sociale, et de ma rencontre avec un groupe en marge des conventions. Pour reprendre l’expression de Pierre Bourdieu, « la musique est l’art “pur” par excellence. Se situant au-delà des mots, la musique ne dit rien et n’a rien à dire » (Bourdieu 1984, 156). Cependant, ne pourrions-nous pas nous demander si la musique a quelque chose à dire en particulier, de la ville, du contexte social et de l’influence qu’elle peut avoir au titre des apprentissages mineurs (Ingold 2018)?

Pour ce faire, je présenterai une pièce écrite et jouée par un groupe français constitué à la fin des années 1960, nommé Art Zoyd. En marge des convenances esthétiques de l’époque, nous avons été attirés par cette musique, et par la proposition contenue dans le titre de la pièce : Symphonie pour le jour où brûleront les cités. En est-il ressorti une prise de conscience de ma part vers une forme de résistance sociale? Le « message » contenu tant dans le titre que dans le style musical m’a-t-il offert une clé de lecture du monde? C’est ce que nous allons voir.

Le rôle de la musique moderne conserve cette capacité d’accompagner le texte ou pas, et d’être largement diffusée. Elle se joue dans les places publiques, les stationnements souterrains, dans les lieux de culte, les ascenseurs, les restaurants rapides (Jouenne 2017), et son « discours » est pluriel. Lorsque la musique acquiert un statut commercial particulier, permettant d’engranger des recettes substantielles, son contenu est dans ce cas dépourvu de sens, par exemple lorsqu’elle habille un bâtiment froid et sécurisé, sous couvert de musique d’ambiance ou de design sonore. Certes, l’intention reste présente, mais dépendante d’un contexte qui ne m’intéresse pas ici. Comme le souligne Pierre Bourdieu, la musique n’est évocatrice que lorsque ses codes sont décodés. Hors contexte, la musique ne dit pas grand-chose. D’un point de vue sociologique, la marge de liberté reste étroite; posons qu’il existe certains déterminismes autour d’une musique agencée pour telle ou telle catégorie sociale (Bourdieu 1979). Cela n’est pas contradictoire avec ce qu’en pense un musicologue comme Nicholas Cook : « Ainsi transportée au cœur de notre quotidien, la musique devient un des éléments qui définissent un style de vie personnel, exactement comme le choix d’une voiture, de vêtements ou d’un parfum » (Cook 2006, 47). Là aussi, la technologie a su faire d’énormes progrès comme d’énormes profits, en flattant l’égo et sa singularité, en repoussant les limites de l’individualisme pour satisfaire aux vœux d’un éparpillement de nos semblables. Pourtant, les tubes populaires autrefois radiophoniques ont toujours autant de succès, le nouveau chassant l’ancien. Le rôle n’est par conséquent plus de rassembler en un même et seul lieu un public choisi, mais d’organiser des rapports à l’audition qui vont jusqu’à se détacher de l’audition même, par exemple lorsqu’on écoute en faisant autre chose, par distraction ou pour combler un vide.

Le rapport à la musique peut donc être perçu dans son rapport à l’économique, mais également rapproché d’une certaine forme de gestion de l’espace et du pouvoir politique, avec d’un côté une musique de masse pour une masse populaire et, de l’autre, une musique de classe pour un public classé, les deux pouvant également s’entrecroiser et se retrouver dans ce qu’il est considéré d’appeler une classe moyenne1. Cette idée se retrouve dans ce que Richard Peterson et Roger Kern ont appelé le modèle de l’omnivore, à la suite d’une étude sur les goûts musicaux (Peterson et Simkus 1992), et qui se caractérise par un éclectisme dépassant les limites des comportements habituels en termes de goûts (Peterson et Kern 1996). Cependant que je n’étais pas issu de la classe dominante, j’avais pourtant le sentiment que cette musique m’attirait vers le haut. Le besoin d’une distinction apparaissait avec une plus grande vigueur, comme s’il s’agissait d’une poche de résistance, appelée contre-culture à une époque, qu’on pourrait presque qualifier de poche de résilience, et qui par son travail s’affaire à donner une autre vision de la musique et de son rapport à l’économique, au politique et à la ville. Cette poche révèle-t-elle l’existence d’undercommons, de sous-communs (Harney et Moten 2014)? L’arrivée de cette notion, à travers la lecture d’Ingold, qui sous-entend qu’il existe des communs à côté d’autres communs sans lien de hiérarchie, me permet d’évoquer une sous-catégorie dans la gamme des goûts « hors classe » sociale. Et si les goûts esthétiques n’étaient pas seulement une affaire de classe sociale, mais parfois rattachés à une volonté de rupture?

Parmi les nombreux groupes anticonformistes des années 1970, une œuvre de « musique nouvelle » ayant pour thème la « cité », la ville et plus largement l’urbanité dans sa forme dystopique m’intéresse ici2. Le contexte de la production, de la diffusion, du style, du discours émis par l’œuvre va me permettre d’atteindre une forme de connaissance aigüe faisant cohésion avec moi-même Du point de vue ethnomusicologique, seront discutés le mode, le registre, l’instrumentation, la composition, la valeur subjective, grâce à une analyse du matériau croisée avec des entretiens (créateur, interprète, acteurs de premier ordre), ainsi que des coupures de presse de l’époque. J’ai ainsi pu contacter les principaux musiciens de cette période et réaliser des entretiens par téléphone ou par courriel. Les interprètes sont : Patricia Dallio, Alain Eckert, Didier Pietton et Jean-Pierre Soarez, lesquels se considèrent davantage comme des interprètes que comme des compositeurs, même si Alain Eckert a marqué l’œuvre d’Art Zoyd avec la pièce Trois miniatures de l’album Génération sans futur (1980). J’ai entretenu des relations épistolaires avec Gérard Hourbette entre mai 2015 et juillet 2015, puis de manière plus distante jusqu’en 2018. Le point d’orgue aura été le concert anniversaire des 44 ans ½ en septembre 2015 à Carmaux dans le cadre du Rock In Opposition. À l’époque, Gérard était déjà très malade et avait subi de nombreuses hospitalisations. Cependant, il me répondait parfois avec plusieurs semaines de retard, toujours avec humour. Monique Hourbette-Vialadieu prenait alors le relais sans toutefois répondre à sa place. Lorsque j’ai contacté Thierry Zaboitzeff, ce dernier m’a renvoyé vers Gérard Hourbette, disant qu’il lui faisait confiance. Après tout, Gérard Hourbette est considéré comme le principal pilier de cette aventure, et a laissé son nom au parvis devant Le Phénix de Valenciennes le 21 juin 2022.

A côté de ces sources inédites, j’ai pu bénéficier d’archives livrées sur la Toile, dont un entretien de l’écrivain Jean-Louis Tallon, réalisé en 2001 à Lyon. D’autres sources glanées çà et là offrent un éventail de données de seconde main que j’ai pu croiser avec les propos de Gérard Hourbette lui-même à travers nos échanges. Pour le reste, j’ai accompagné le groupe lors des concerts à Maubeuge et en région parisienne, à l’invitation de Richard Castelli, et cela m’a permis de m’imprégner telle une éponge d’informations que je n’étais pas en mesure d’analyser à l’époque. Ce travail de « perduction », comme l’a proposé Leonardo Piasere, qui consiste à aller fouiller dans sa mémoire pour se remémorer des actions et des événements marquant du terrain, est aujourd’hui possible (Piasere 2010). À cela s’ajoute des données autobiographiques qui fournissent un témoignage de première main, mais évanescent. La plupart de ces événements se sont déroulés voilà 40 ans, à une époque où je n’avais ni les capacités intellectuelles ni l’expérience ethnographique pour objectiver ce que je vivais. De ce point de vue, je considère cet essai comme une tentative d’esquisse biographique et sociale (Bourdieu 2004).

L’hypothèse qui sous-tend cette étude renvoie au constat qu’il existe une forme de résistance au monopole culturel musical des années 1970 d’où émergerait le « groupe-comme-messager », un anticonformisme cherchant à provoquer les conditions d’une forme d’une prise de conscience de la ville dans ses aspects sécuritaires, conformistes, aliénants. Mais cela va plus loin : la musique d’Art Zoyd m’a permis de prendre conscience qu’une autre histoire sociale était possible. Cette puissance émancipatrice dépasse le cadre formel de l’œuvre musicale tout comme de leurs auteurs. Indépendamment de sa volonté, cette musique, bien que détachée de la culture populaire du clip vidéo (Straw 2017), a permis de révéler qu’un déterminisme pouvait être dépassé, sous la forme d’une émancipation. Je pense ici au travail de Jada Watson qui, à travers une étude d’écomusicologie (Watson 2015), s’est intéressée au rapport entre la musique et le village natal des artistes country, sans toutefois rester dans cette seule perspective dans la mesure où je me positionne comme sujet d’une triade ville-musiciens-moi.

Le contexte de la cité comme emblème de la modernité, l’influence de la science-fiction et le manifeste

Je m’attacherai ici à la figure de Gérard Hourbette (1953–2018), qui est le co-fondateur du groupe et le créateur de cette symphonie. Trois éléments vont me permettre de mieux cerner le personnage et son œuvre. Il s’agit d’abord de sa ville natale, Maubeuge, et de sa reconstruction durant son enfance, puis de l’influence de l’auteur Philip K. Dick, et enfin du manifeste rédigé à l’occasion de la création de la première pochette de l’album.

Né le 23 novembre 1953 à Hautmont (Nord), Hourbette passe son enfance à Maubeuge, ville reconstruite par l’architecte André Lurçat à partir de 1948, dans laquelle fut érigée l’église Saint-Pierre Saint-Paul (1960) en béton armé, ainsi qu’un grand nombre d’immeubles, de commerces et de bâtiments publics, dont la mairie (Lurçat 1961). Issu du courant de l’architecture Moderne, André Lurçat a, semble-t-il, influencé Gérard Hourbette dans sa vision de la ville. Pour autant, le jeune Hourbette a passé une grande partie de son enfance parmi les grues et les chantiers, où il a pu voir émerger une architecture de béton et assister à la venue d’une population nouvelle. Un vent de modernité a soufflé sur Maubeuge durant ces années, qui, alors qu’Hourbette atteignait l’âge adulte, ont coïncidé avec le début des grandes restructurations de l’industrie française. « Ma petite enfance a été bercée par les moteurs, les marteaux-pilons et les engins de terrassement qui rebâtissaient la ville dix ans encore après les destructions de la guerre mondiale » dira-t-il dans une interview3.

André Lurçat, quant à lui, s’explique ainsi : « L’établissement du plan d’aménagement et la reconstruction de Maubeuge m’apportèrent l’occasion très favorable d’appliquer concrètement […] une idée donnée que je considérais comme déterminante quant à la qualité des solutions proposées : pratiquer un urbanisme grâce auquel […] l’intérêt général [de] la population primerait [sur] l’intérêt particulier » (Lurçat 1961). Il y a un réel souci annoncé à voir une population heureuse dans un environnement architectural nouveau. Cela a-t-il à voir avec ce que Geoff Stahl nomme une « résonnance différente » des villes contemporaines (Stahl 2009)? Il est clair que la ville offre un système symbolique qui se révèle à travers les productions culturelles comme la musique en est le témoin. Serait-ce cette esthétique urbaine qui influença Gérard Hourbette dans ses lectures?

À cette époque, Gérard Hourbette est un inconditionnel de la littérature d’anticipation, et de Philip K. Dick, dont il puise une grande partie de son inspiration. Par exemple, la plupart des titres qu’il donne à ses pièces résonnent avec l’œuvre de Philip K. Dick. Ainsi, si l’une de ses dernières œuvres s’intitule Ubique, en référence à l’œuvre éponyme de science-fiction (Ubik), remarquons que Simulacres appartient également au registre de l’écrivain, tout comme un grand nombre de titres. L’auteur de Blade Runner ou de Minority Report a donc eu une grande influence sur le compositeur, et cela durant toute sa carrière : « Maubeuge était alors une ville industrielle et industrieuse. La nuit je voyais par la fenêtre les hauts-fourneaux qui embrasaient le ciel de lueurs rouges. J’ai toujours adoré la science-fiction et les images que cela m’apportait nourrissaient aussi mon imaginaire4 ». Et d’ajouter :

Philip K. Dick a vraiment été pour moi un déclic. Non seulement j’aimais ses intrigues, leur humour sous-jacent, ou la tragédie qu’elles portaient en elles. Mais il y avait aussi une humanité confidentielle, une terreur existentielle que peu d’auteurs font passer. Tous ses romans ou nouvelles m’apportaient des images : de villes, de routes, de paysages construits… Certaines musiques de Xenakis me font le même effet. La musique que je fais se sert d’images plus ou moins précises, plus ou moins mentales. Ce sont souvent des images d’architectures, des nombres ou des suites de chiffres superposés. Dans les titres, j’ai souvent pioché dans ceux de Philip K. Dick : Simulacres, Ubik… mais souvent aussi d’autres, en ayant en tête ses univers : Cryogenèse, Rêve artificiel, etc.5

Au dos du premier album figure un long manifeste de 10.000 caractères écrit par Gérard Hourbette. Ce texte représente une déclaration pour une musique nouvelle, à contre-courant et volontairement dérangeante. Je puiserai dans ce manifeste quelques idées maîtresses.

Art Zoyd 3 Musique vivante

Culture et contre-culture. Musique et contre-musique. Aube d’une nouvelle ère musicale ou soubresaut d’une contre-culture agonisante. Ou peut-être conjonction et confrontation des deux tendances.

Art Zoyd, à la démarche ambiguë, au style éclectique, groupe rock, jazz, symphonique, barbare. Musique sérielle et mélodies monodiques. Dissonances et accords parfaits. Rythmes cubistes. Froideurs et emportements. Art Zoyd, hors de toute école, de toute définition, créant sa propre musique, jouant sa propre musique, improvisant son propre jazz. Qui est Art Zoyd?

Art Zoyd refuse les étiquettes et les archétypes. Collectif de quatre musiciens, il n’emprunte aucun chemin, aucune voie définie.

Dans le pays de France, le visage de la contre-culture prend trop souvent un tour londonien aux « pseudo-jeunes-énergies-défoulements ».

En fait, un groupe tel que Art Zoyd ne peut s’inscrire dans ce tourbillon d’emportements et d’engouements qui tient plus des modes que des véritables idées.

Or, Art Zoyd représente une nouvelle idée, une nouvelle éthique, un nouveau sens du spectacle et de la perception musicale.

Point ici de compositeur introverti menant difficilement une pensée musicale de son cerveau à l’orchestre. Tout est instantané. On compose instruments en main; l’idée, à peine née est exécutée et orchestrée, modifiée et revue aussitôt, ce qui ne signifie pas facilité et musique facile.

Un collectif, donc, pour marquer cette différence entre le chercheur isolé et cette union d’énergie qui s’allient pour créer. L’art est spontané et gravite autour de pulsions différentes, d’où : variété dans les thèmes et agression dans les enchaînements. Art Zoyd compose sa musique comme un film, image par image. Puis il y a montage, phase d’autant plus importante qu’elle doit allier à la cohérence des thèmes sa propre cohérence (logique interne).

La musique d’Art Zoyd est hypocrite quand dans la rue, on rencontre de ces affiches de croisière estivale… Elle se fait valse, java débile et même songeuse… Mais le rythme est là, qui casse tout. Qui casse lui-même et se retord. Se reforme et revient, comme un leitmotiv dans un discours qui exhorterait on ne sait quelle idée. Quand les mots ne signifient plus rien, rien que des sons.

La démarche d’Art Zoyd est une démarche volontairement « engagée » dans le sens où quelque chose passe dans la musique, autre chose qu’un simple amusement à but de distraction.

Au contraire, le fond est mis sur une peinture de l’actuel. Comme un documentaire, mais aussi comme une pièce tragique dont le théâtre étend ses scènes jusqu’au quotidien, dont les acteurs sont présents au concert, ou dans la rue, dans les souvenirs ou dans le proche avenir.

Théâtre absurde où l’on joue au hasard, pas un vrai hasard, puisqu’il est recherché à coups d’essais et d’erreurs, dans ces « laboratoires » où Art Zoyd compose ses musiques comme un bouquet de fleurs. Des fleurs vénéneuses, s’entend, qui ont l’étrange parfum de la réalité et de l’existentiel.

Art Zoyd 3 a cinq ans, si l’on excepte les trois premières années de sa formation, du temps de « Opaline-Records », Chant du Monde en 69, 70 et 716. »

Ce manifeste expose clairement les intentions du « collectif » de quatre musiciens en désaccord avec les conventions de l’époque, tant classiques que populaires. Art Zoyd échappe à toute définition ou tentative d’étiquetage. Ne souhaitant se référer à aucun courant, à aucune mode, Art Zoyd entend créer son propre style, basé sur un éclectisme revendiqué. Loin des musiques de divertissement, Art Zoyd insiste sur une forme d’engagement qui se voudrait sans doute émancipateur. La provocation qui découle de ce texte participe de cette mise en scène à laquelle je ne suis pas resté insensible.

Genèse de la formation

Dans sa version de 1969, le groupe Art Zoyd se compose de cinq musiciens, tous issus de la région de Valencienne. Rocco Fernandez joue sur une guitare à triples manches qu’il a en partie construite lui-même. Sa ressemblance avec Frank Zappa (1940-1993) légitimise une filiation musicale. L’utilisation de sons saturés et de brisures du rythme pour des intermèdes humoristiques, de longs solos de guitare classent son style dans un rock progressif. Thierry Zaboitzeff (1953–) joue de la basse électrique et du violoncelle qu’il a appris en autodidacte. À l’origine il est guitariste et plutôt attiré par la musique folk. Il vocifère parfois dans une logorrhée rappelant de loin le langage imaginaire de Magma, mais sans une structure grammaticale précise. À la même époque, ce genre d’évocation musicale est assez fréquent, comme a pu le faire Robert Wyatt avec Soft Machine ou Frank Zappa, par exemple. Gérard Hourbette joue du violon, de l’alto et de l’orgue. Il a été primé au conservatoire de Maubeuge.

Lors des représentations, un journaliste note la présence d’un mime qui effectue des mouvements durant la prestation du groupe :

Cette idée du mime, nous dit Gérard Hourbette, a été imaginée et mise en œuvre lors des concerts du premier « Art Zoyd 3 » par Rocco Fernandez. Une sorte de pièce surprise au milieu du « show ». Cela perdura jusqu’en 1975. Un mime masqué affrontait un mannequin et le « massacrait » à coups de sabre7.

Cela préfigure de l’intérêt d’Art Zoyd pour confronter la musique à d’autres formes d’expression comme la danse, le théâtre ou le cinéma. Notons que dès l’origine, Art Zoyd articule l’expression musicale avec l’image et le geste que l’on retrouvera notamment avec un Ballet chorégraphié par Roland Petit (1924-2011), Le mariage du ciel et de l’enfer, puis la mise en musique de Nosferatu, Metropolis et Häxan, films des années 1920 du cinéma de l’Est.

Roland Petit a été la carte d’entrée qui a fait connaître Art Zoyd au niveau international, grâce à une production à la Scala de Milan et une diffusion télévisuelle. Une anecdote rapporte que le chorégraphe aurait vu un reportage télévisé sur Art Zoyd et qu’il aurait, dès le lendemain, téléphoné aux musiciens pour leur commander un ballet. À cette époque, Richard Castelli (1961–) est le producteur du groupe. Ce que définit Gérard Hourbette comme un hasard n’est en fait que le résultat d’un travail de fond auprès d’agents sociaux influents.

Comme dans beaucoup de groupes de musique progressive, la formation tourne autour d’un noyau central auquel viennent se joindre ponctuellement des musiciens. Gérard Hourbette explique qu’en 1971 une cinquantaine de musiciens sont déjà passés dans le groupe. Gérard Hourbette et Thierry Zaboitzeff, deux amis d’enfance, se partageront l’essentiel des pièces écrites8 jusqu’au départ de Zaboitzeff, en 1997. La formation d’origine, en 1969, est assurée par cinq musiciens :

Serge Armelin (saxophone)

Claude Asencio (batterie)

Jean-Paul Dulion (guitare basse)

Rocco Fernandez (guitare triple manche)

Patrick Zoltek (1953-2002) (guitare)

L’unique enregistrement à cette époque est un 45 tours, dont l’originalité repose sur une musique rock progressive, inspirée de Frank Zappa et des Mothers of Invention. Selon les propos de Gérard Hourbette, le disque n’est pas représentatif de la musique jouée à l’époque, mais répond à un besoin de toucher un public large et populaire. Contradiction! Par ailleurs, produire un 45 tours assurait déjà une certaine notoriété dans le monde des groupes rocks. Avec le départ de Rocco Fernandez et la reformation du groupe à partir de 1971, la musique va s’épurer et se singulariser davantage. La formation, réduite en quatuor, va encore chercher son « style » quelques années, mais l’album Symphonie pour le jour où brûleront les cités va marquer un véritable tournant tant dans l’évolution du groupe que dans la prise de conscience d’une musique foncièrement différente, entre classique et rock progressif.

Ainsi, la formation pour l’album Symphonie pour le jour où brûleront les cités, de 19769, est composée de :

Thierry Zaboitzeff (basse, percussions et voix)

Jean-Pierre Soarez (trompette Sib et percussions)

Alain Eckert (guitare et percussions)

Gérard Hourbette (violon, alto et jazzo-flûte)

Une œuvre à part

Deux pièces forment le premier album du groupe Art Zoyd 3, reformé en 1971 par Gérard Hourbette (1953-2018), Thierry Zaboitzeff, et Rocco Fernandez, tous trois originaires de la région de Valencienne et Maubeuge : Symphonie pour le jour où brûleront les cités (1976) et Deux images de la cité imbécile (1976). Chacune des pièces est divisée en plusieurs mouvements, trois pour la symphonie : Brigades spéciales (13’21“), Masques (8’59“) et Simulacres (6’55“), deux pour la suivante : Les fourmis (5’35“) et Scènes de carnaval (8’51“) écrites par Rocco Fernandez, initiateur et créateur du groupe en 196910. Les titres assez évocateurs – provocateurs – renvoient tous à des images de la ville vues sous un angle réprobateur et anticonformiste.

Cet album a été réenregistré quatre ans plus tard, avec un arrangement remanié et de nouveaux musiciens. C’est un événement assez rare dans la musique rock progressive, surtout issue du même groupe. Gérard Hourbette explique que lorsqu’il a fallu re-presser le disque, le master, la pochette, tout avait disparu :

Ça nous a fait un électrochoc! On a donc décidé de tout refaire et de tout réenregistrer, grâce à ATEM (le label nancéen créé par Gérard N’Guyen). Ce fut assez simple, car la plupart des pièces étaient encore jouées sur scène. Nous réenregistrâmes donc sur 8 pistes au studio d’Éric Faes en Belgique (l’ingénieur son d’Univers Zéro à l’époque). Par la suite avec le label japonais « Belle » (2008), on a pu récupérer l’enregistrement original via plusieurs exemplaires neufs du vinyle original et donc rééditer l’enregistrement original 2 pistes11.

De ce fait, nous disposons des deux versions12 qui seront mises à profit dans une analyse comparée de l’œuvre. À ce jour, plusieurs rééditions, notamment japonaises, sont disponibles sur le marché du disque. Non seulement cette œuvre n’a pas été oubliée, mais elle poursuit son histoire en mouvement qui la fait aujourd’hui passer pour une œuvre emblématique d’un courant musical qui est défini par ce que l’on appelle la « musique nouvelle alternative ». Cela illustre les propos de Nicholas Cook lorsqu’il écrit à propos du « pouvoir qu’a la musique de transcender les limites du temps et de l’espace » (Cook 2006, 35).

Style et genre musicaux

Les bibliothèques comme les disquaires ont vraiment du mal à ranger ce style de musique, d’autant plus qu’avec le temps, de nombreux changements ont eu lieu, notamment autour des instruments utilisés, et plus largement de l’esthétique sonore. Quoi qu’il en soit, toute forme musicale devrait pouvoir trouver sa place dans un ou plusieurs registres. Lorsque Nicholas Cook dresse le rapport entre la musique classique et la musique rock, il établit des jalons que l’on peut réutiliser pour essayer de cerner le style d’Art Zoyd. La question des instruments se pose en premier. Avec le violon, l’alto et le violoncelle, nous identifions clairement les instruments du quatuor, ce qui a fait dire à certains qu’Art Zoyd était de la « musique de chambre pour punks13 ». La présence de la trompette comme instrument de l’harmonie signale également le lien avec la musique classique. L’ajout de la basse et de la guitare électriques en son clair appartient en revanche au registre des musiques actuelles, mais que l’on peut placer du côté du rock progressif ou du jazz. Au début des années 1970, ces instruments étaient le plus souvent joués en son saturé, comme l’illustrent les morceaux écrits par Rocco Fernandez dans la première période du groupe. Les percussions rappellent davantage l’orchestre que le groupe de rock. Il n’y a pas de batterie, mais une caisse claire et des cymbales. Elles sont réduites au minimum, et servent à marquer les temps ou les passages plus mouvementés. L’esthétique sonore, qui se démarque des tendances de l’époque, est caractérisée par une rupture avec la forme « classique » de la section rythmique basse-batterie tout comme le rôle accordé aux instruments solistes. Enfin, la voix est utilisée comme sonorité et moyen d’expression « archaïque » au sens où il s’agit plutôt de reproduire des plaintes et des cris, ou encore des phrases dans un langage hermétique, mais pas de chanter.

Sur le registre de l’authenticité, Art Zoyd produit sa propre musique, préalablement travaillée suivant des conventions établies et notées14. Il y a peu de place pour l’improvisation. Le renvoi au terme de « symphonie » fait immédiatement penser à de la musique moderne, celle d’Igor Stravinski à laquelle se réfère fréquemment Gérard Hourbette15. Par exemple, les percussions du Sacre du printemps (1913) et le rythme syncopé dans certains passages offrent, toutes proportions gardées, un exemple d’inspiration. Du reste, Gérard Hourbette évoque un éclectisme impressionnant en matière de goûts musicaux, que sa femme souligne à l’occasion d’un entretien où elle raconte qu’il consacre une partie de son temps libre à acheter des disques sur Internet16. Moi-même, lors d’une visite dans sa maison à l’occasion de Berlin, en 1988, j’avais été impressionné par le nombre de disques compacts qu’il possédait et qui couvraient les murs de son salon.

L’ambiguïté vient de la juxtaposition du terme de « cités » et surtout de l’action de « brûler ». La vision de la scène où brûlent les cités, c’est-à-dire la ville, s’affirme comme une provocation et laisse penser que du classique, il n’y a que l’apparence. « La vie est triste à Maubeuge. Mais la tristesse y a une valeur. Vivrons-nous assez longtemps pour en comprendre le sens? » (Hourbette 1988, 94). Il y a donc une réaction aux conventions admises suivant lesquelles l’emprunt au registre de la musique classique ne fait qu’ajouter un degré supplémentaire à l’intention de l’auteur. Cette intention peut se comprendre dans le registre des valeurs, car le groupe affiche nettement son opposition aux valeurs marchandes propres au show-business, à la « soupe » des rengaines diffusées sur les radios et la télévision de l’époque. À ce propos, Gérard Hourbette s’explique :

On peut toujours se révolter contre cela, mais souvent pour cela, on brûle les villes. Dans ma vision des choses, ce sont les villes entières qui brûlent et à travers elles, le symbole des civilisations. Aujourd’hui cela est plus vrai encore qu’hier. J’aime beaucoup ce titre de « symphonie pour le jour où les cités », parce que dedans il y a le mot symphonie = harmonie, sonner ensemble harmonieusement, puis avec le poids de toute son histoire, de ce qu’elle est devenue : romantique, pathétique, déchirée…, mais donc premièrement comme s’il y avait une « harmonie » dans le fait que les cités brûlent. Une sorte d’humour ardent!17

Les deux versions d’une même œuvre

L’album sort une première fois en 1976, édité par Tartempion et produit par Michel Besset à Toulouse, enregistré sur un Revox à deux pistes. Sous l’appellation de collectif, les membres prennent le nom d’Art Zoyd 3 avec Gérard Hourbette au violon, alto et jazzo-flûte, et de Thierry Zaboitzeff à la basse, percussions et voix. Jean-Pierre Soarez à la trompette en Si bémol est rejoint plus tard par Alain Eckert à la guitare. Jean-Marc Lomprez s’adjoindra au groupe avec sa batterie, mais n’est pas crédité sur l’album.

Avec l’arrivée du couple Hourbette-Zaboitzeff, la formation va s’orienter progressivement vers une musique instrumentale. La guitare basse va partager sa place avec le violoncelle. Alain Eckert laissera sa guitare pour jouer du violon pendant que Gérard Hourbette tiendra l’alto. La trompette en Si bémol ajoutera ce côté décalé de par son rôle et son timbre à côté des cordes. Ce qui compte aux yeux de Gérard Hourbette, c’est « avant tout, pour ma part, les « sons », bruts et rauques, que permettent les instruments classiques (violon, violoncelle, trompette, saxophones) surtout lorsqu’ils sont amplifiés. Aussi la clarté de leurs harmonies, le fil tendu de leurs tenues en accord, enfin la spécificité et le timbre de leurs attaques superposées (hors batterie justement)18. » La musique se transforme et trouve peu à peu ses marques dans une ouverture créative nouvelle. Peu après, Thierry Zaboitzeff reprendra le violoncelle initialement joué par Franck Cardon, la guitare amplifiée sera confiée à Alain Eckert qui ne jouera qu’en son « pur » (dixit). La batterie rock laisse place à la percussion présente de temps en temps, mais n’est plus là pour marquer la mesure. Seules une cymbale ou une caisse claire seront frappées, parfois un tambourin. La voix est présente dans la plupart des pièces, mais il s’agit de cris et de plaintes et parfois de vociférations dans un langage imaginaire, que certains journalistes nomment « zoydien » par référence au kobaïen de Magma19. Ce rapprochement est d’autant plus légitime qu’Art Zoyd se produit souvent en première partie de Magma. Une décennie sera nécessaire pour que le groupe se structure de manière efficace autour d’instruments et de compositions réellement construites suivant les canons d’Art Zoyd.

Il est intéressant de constater que dans l’histoire de la musique, seules les pièces de compositeurs de musique savante sont enregistrées régulièrement. Une partition laissée à la postérité sera mainte fois rejouée et parfois réarrangée. Dans le cas des groupes rock, il faut attendre deux générations pour voir se développer des concerts imitant à la perfection des groupes des années 1970, comme les Beatles, Pink Floyd ou Frank Zappa. La musique est rejouée, mais ne l’oublions pas, le bal de campagne en France était un lieu de re-diffusion des musiques des groupes phares de l’époque. Aussi, il est très rare qu’une formation de rock réévalue une pièce et décide de la réenregistrer. À l’époque où Art Zoyd 3 se sépare du 3, cela n’est jamais arrivé20. Or, entre 1976 et 1980, quatre ans ont été décisifs pour affirmer un style, dans une originalité assumée. Art Zoyd décide d’enregistrer avec une nouvelle formation cette symphonie et les pièces qui la composent. La Symphonie pour le jour où brûleront les cités sera réenregistrée en 1980, notamment avec l’arrivée de Patricia Dallio au piano et d’une section cuivre renforcée, sur le label ATEM et produit par Gérard N’Guyen à Nancy.

La formation d’Art Zoyd sur l’album de 1980 est ainsi assurée par sept musiciens. En plus des cinq cités plus haut, nous avons :

Patricia Dallio (piano et piano électrique)

Daniel Denis (percussion)

Gilles Renard (saxophone)

Dans le registre du genre, il faut aussi mentionner qu’Art Zoyd est la première formation de rock progressif en France (ou musique nouvelle) à intégrer une femme comme musicienne à part entière. Il n’est pas question pour elle de se cantonner aux chœurs : elle campe une réelle place de musicienne. Dans les formations rock des années 1960, la place de la femme reprend souvent les stéréotypes de la femme-objet lorsqu’il s’agit du pupitre des chœurs (Alessandrini 1980). Chez Art Zoyd, Patricia Dallio tient les claviers sans distinction de genre, comme peut le faire Ruth Underwood chez Zappa. Ainsi, la présence d’une femme dans un groupe de rock progressif ne peut laisser indifférent et a sans doute participé à l’étrangeté – plus qu’à l’originalité – de la formation. C’est aussi une marque d’émancipation.

Aux côtés du cœur de la formation, certains instrumentistes ont joué un rôle. Alain Eckert parle en ces termes :

C’était surtout Hourbette et Zaboitzeff qui composaient, moi je n’ai composé qu’un seul morceau dans toute ma carrière d’Art Zoyd, et on n’en discutait jamais. On ne discutait jamais des thèmes des morceaux. On ne connaissait les morceaux qu’aux répétitions, sans en avoir discuté avant, et puis voilà. Hourbette et Zaboitzeff arrivaient avec des partitions, et on ne discutait pas du thème, non, on ne discutait pas de l’inspiration […]. On ne discutait pas de la façon dont chacun composait, le pourquoi, la motivation, non, on ne discutait pas de ça. C’est marrant, pourtant on discutait beaucoup, surtout de science-fiction. On déconnait beaucoup, on racontait des blagues, mais on ne parlait jamais de la composition, comme s’il y avait une sorte de consensus. C’était la vie de groupe, on était jeune. J’étais jeune, en 1975, j’avais dix-neuf ans21.

Par la suite, Alain Eckert rencontrera les musiciens d’Hatfield and the North et ira rejoindre l’école de Canterbury durant une année. On trouve son nom crédité dans l’album Playtime de National Health en 1979.

De son côté, Patricia Dallio présente les choses d’une façon assez similaire.

Je ne participais pas à la conception des albums à cette époque, je n’étais qu’interprète. Les compositions pour Art Zoyd m’ont été confiées beaucoup plus tard. Pour la symphonie, je pense que ce sont des thèmes qui sont totalement nés de l’imaginaire de Gérard Hourbette qui adore la science-fiction et particulièrement Philippe K Dick22.

Sur cette période, tout laisse à penser qu’une seule personne se trouve au centre du processus, qui sera peu après ouvert à Thierry Zaboitzeff puis, plus occasionnellement, à d’autres musiciens comme Alain Eckert23 ou Patricia Dallio.

L’enregistrement de cette deuxième version et le mixage sont confiés à Éric Faes & Art Zoyd, et ont lieu aux studios EF Studios à Hennuyères, Belgique, en juillet 1980. Éric Faes est ingénieur du son et producteur de formations comme Univers Zéro et Alain Rochette (pianiste). Ce n’est qu’un passage, puisqu’Art Zoyd créera son propre studio d’enregistrement au début des années 1980, basé à Maubeuge (Nord), cette ville d’où est originaire Gérard Hourbette et qui le soutiendra, notamment grâce à la présence de sa mère, personnalité maubeugeoise qui y occupa un poste d’adjoint municipal. Il ne faut pas négliger cet aspect, qui place notre musicien dans un réseau sociopolitique de premier ordre. Sans le soutien régulier de certains acteurs, l’impact et l’activité même de cette formation auraient sûrement été autres.

Au cœur de l’analyse de quelques mouvements

Le premier mouvement de la Symphonie pour le jour où brûleront les cités débute par Brigades spéciales, une pièce de plus de 13 minutes. La pièce commence par une succession rapide de quelques notes jouées aux violons, à la guitare et au piano, entrecoupée d’onomatopées aigues que nous identifions d’abord comme des cris, des remontrances suivies d’une sorte de plainte sanglotante (jusqu’à 0:45). La prononciation d’une série de quatre R apical est nettement plus audible dans la deuxième version revisitée. D’après les travaux de Ivan Fónagi, cette prononciation comporte une composante agressive (Fónagi 1970). Nous retrouvons cette séquence à la fin du premier mouvement après un instant plaintif accompagné de deux notes dissonantes tenues au violon (Si b) et à la trompette (La) (11:19 à 11:41). Deux coups de sifflet annoncent le retour des cris entendus en introduction (12:04 à 12:49). Cette reprise a disparu dans la deuxième version. En soi, les onomatopées n’ont pas de sens, mais semblent orienter le sens vers quelque chose en rapport à un sentiment, sinon angoissant, tout du moins plaintif. Dans le registre pré-verbal de l’enfance, par exemple, cela pourrait avoir le sens de cris de douleur exacerbés ou d’une forme d’explication, puis, par trois fois, de pleurs, d’une tristesse affichée ou d’une douleur. Ces éléments peuvent générer une forme de compassion d’autant plus facilement que nous sommes au tout début de la pièce et qu’en cela s’installe un suspens qui entraine l’auditeur jusqu’à la fin de la pièce, qui n’est finalement pas résolue. En effet, ces mêmes plaintes se font encore entendre, dans une forme de désespoir.

Intéressons-nous un instant à cette pensée pré-verbale, que certains ont un temps appelé le « Zoydien ». Pour autant, Thierry Zaboitzeff n’a jamais revendiqué l’invention d’un langage ni d’une grammaire. Les sons produits sont destinés à accompagner la musique, à ponctuer certaines séquences, et sur la scène, à produire une interaction avec le public. L’usage du R apical, roulé sur plusieurs temps, représente pour Ivan Fónagi « un son phallique, un représentant de la pulsion génitale masculine » (Fónagi 1970, 130). Lorsque Lev Vygotski dit que « tout comme la communication est impossible sans les signes, elle est impossible aussi sans la signification » (Vygotski 1997, 57), nous sommes en droit de nous demander s’il y a communication ou plutôt si la volonté de communiquer, l’intention, est présente, ou même s’il y a une intention. S’adresser au public dans un pseudo-langage inconnu génère chez l’auditeur-spectateur un sentiment d’incompréhension, de stupeur ou d’ironie. Cela pourrait correspondre à une imitation dans un contexte plus autorisé, celui du show-business, qui ici génère une angoisse et une incompréhension. À la première audition, le public surpris esquisse un sourire, car il est nécessaire d’avoir une certaine ouverture d’esprit pour accepter cette forme de langage24. En quelque sorte, Zaboitzeff singe les chanteurs à la mode, et leur fait dire, à travers sa voix, un contenu qui n’a finalement pas plus de sens, mais qui ici, accompagné de la mélodie, produit un sens.

Nous pouvons considérer que les motifs du compositeur dépassent ses intentions premières dans la mesure où le processus de création s’inspire de l’air du temps sous une forme non encore objectivée. L’œuvre transcende la personne du créateur, elle va au-delà de l’intention première qui est et reste de « faire de la musique ». Cependant, les intentions prêtées ou déduites génèrent un sentiment qui dépasse la volonté et la pensée d’Art Zoyd. La force de l’œuvre réside par conséquent dans cette combinaison d’éléments qui, juxtaposés, produisent un cocktail de sens, d’idées, de valeurs, qui permettent de penser que l’œuvre survivra à l’artiste, car elle se veut intemporelle. Du reste, l’institutionnalisation d’Art Zoyd dans le projet Art Zoyd Studios, basé à Valenciennes (Nord), évoque cette possibilité de survivance à l’occasion de rétrospectives, comme il le fut en 2000 avec la réorchestration par Jérôme Combier de l’œuvre de 1976.

J’ai procédé à une analyse comparée du troisième mouvement suivant les deux enregistrements disponibles. Cette analyse s’appuie sur un manifeste imprimé au dos de la pochette du disque, et rédigé par Gérard Hourbette. Le matériau musical est ainsi soutenu par un discours qui fait office de grille d’audition, dont voici quelques extraits :

Le troisième « Simulacres » se déroule comme une accusation. Retour à une certaine tension avec « Simulacres » qui affirme une violence intérieure dans ses rythmes cassés et les barrissements du début. […]

Réquisitoire qui semble menacer des flammes, les cités absurdes; Mais est-ce bien réel et la punition de la cité ne réside-t-elle pas plutôt dans la prise de conscience de ce gigantesque simulacre? […]

Retour à une certaine tension avec « Simulacres » qui affirme une violence intérieure dans ses rythmes cassés et les barrissements du début. Traité d’une manière plus symphonique, le mouvement suit une forme cyclique : affirmation parenthèse et thèmes interrogatifs – affirmation – péroraison. Une base de neuf temps sert tour à tour de soutien et de linéarité au thème principal qui reviendra en surimpression dans l’espèce de marche finale et servira de conclusion. […]

Le principe harmonique de mouvement est essentiellement basé sur l’accord de quarte augmentée (fa et si renversement dans le premier thème affirmatif) et sa confrontation avec la quarte juste (violon) dans le second thème affirmatif (sur la base neuf temps). Ainsi, on retrouve cet accord sous la forme mi bémol – la au violon dans le deuxième thème interrogatif (trompette en sourdine). […]

Rythmiquement, le mouvement est basé également sur une forme cyclique. Cassé au début, linéaire jusqu’au groupe de figures brèves et de silences, le temps devient plus lent ensuite pour la parenthèse interrogative, puis cassé à nouveau (retour à l’affirmation) et de nouveau linéaire (marche et péroraison du thème neuf temps). […]

On note un décalage entre les deux versions dû à la durée de l’introduction et à la séquence de conclusion de l’introduction que l’on retrouve trois fois et qui est supprimée dans la deuxième version. L’angoisse est générée par l’utilisation de la quarte augmentée et de la succession des rythmes brefs ainsi que les mesures à neuf temps dans lesquelles s’interposent des arpèges sur quatre notes. Gérard Hourbette s’explique lui-même sur ses intentions :

Je voulais une musique rugueuse, souvent dissonante dans l’harmonie des cuivres ou plutôt dans l’harmonie violon / trompette (Stravinsky est passé par là), une musique basée à la fois sur les tensions, les montées, les ostinatos rythmiques, mais aussi les ruptures, le silence abrupt et les cris soudains, comme une matière neuve.

Il y avait aussi un jeu de superpositions rythmiques ou de canons rythmiques, qui ont été longtemps au début une marque de fabrique…

On composait beaucoup instruments en main. Cela permettait de vérifier chaque idée, chaque accord, chaque rythme. J’avais un piano chez moi. Je griffonnais quelques idées, mais en vrai tout se construisait sur le tas. Puis il y avait montage, comme au cinéma, séquence par séquence, mais avec l’idée d’une direction, d’un cheminement25.

Si la ville est au cœur du thème de la symphonie, c’est sous l’apparence d’une cité mise à feu, décadente, angoissante, où fourmillent des individus hagards. Les dissonances font entendre des ruptures dans les trajectoires, et dans l’absurdité des mouvements. Cette ville, Gérard Hourbette l’a-t-il connue sous une autre forme, celle de sa fabrication?

Quête ethnologique de soi et approche des undercommons

L’anthropologue Marc Augé (1935–2023) développe l’idée selon laquelle lorsque nous revoyons un film après quelques décennies, les images qui en composent les scènes ont parfois changé, non pas parce que le film a changé, mais parce que nous avons changé (Augé 2014). Dans cette quête ethnologique de soi, revenir sur son propre passé peut constituer une matière sociale originale et riche d’enseignement. Patrick Gaboriau effectue le même type de démarche dans ses méditations urbaines (Gaboriau 2017). J’aimerais à mon tour livrer quelques réflexions sur cette rencontre.

Ma découverte de la musique d’Art Zoyd découle d’une série d’opportunités et de hasards. Adolescent en banlieue nord de Paris, j’ai vécu les débuts de la désindustrialisation qui ont suivi la crise des années 1970. Alors que Gérard Hourbette avait vécu la reconstruction puis la désindustrialisation du nord de la France, je vivais mon adolescence dans un contexte de chômage naissant, et des premières grandes restructurations d’entreprises. Alors que la période de la reconstruction de la France s’accompagnait d’un élan collectif vers un monde meilleur, mon adolescence de banlieusard était traversée par le sentiment d’une génération sacrifiée.

Aussi, dans un contexte différent, mais qui comportait quelques similitudes, la musique produite par des artistes ayant vécu des moments comparables était faite pour résonner à mes oreilles et à mes attentes. Il y avait entre nous comme des sous-communs, des undercommons (Harney et Moten 2014). Je me retrouvais dans cette musique non parce que les éléments sonores m’accompagnaient dans cette phase de mon adolescence, mais parce que les sous-communs nous unissaient à la manière d’une victoire sur l’image que nous souhaitions donner à la ville. Transposer les undercommons du peuple noir américain, des black studies, vers les catégories plus claires, mais néanmoins contraintes par des politiques semblables, parce que chaque pays produit ses pauvres, ses soumis et ses catégories reléguées dans la noirceur, paraît relever de l’audace.

Cette notion d’undercommons, forgée par Harney et Moten aux États-Unis, s’entend à travers l’histoire du peuple noir américain, comme l’ensemble des sous-communs qui unissent cette catégorie à travers les us et coutumes, l’histoire de l’esclavagisme, de l’oppression, et d’une énergie collective malgré tout présente à travers l’histoire de la musique. Toutes proportions gardées, il se pourrait qu’un ensemble de points communs fasse des undercommons une qualité commune aux couches sociales basses partout à travers le monde. C’est ce que propose Tim Ingold lorsqu’il distingue les apprentissages mineurs des apprentissages majeurs (Ingold 2018).

Sur invitation de Richard Castelli, car nous étions voisins, j’avais assisté au concert d’Art Zoyd à la MJC de ma ville natale. C’était le 23 janvier 1982 à Livry-Gargan. J’associais rapidement ces musiques à un contre-courant. On parlait alors de « mouvance » pour dire que cette musique était à contre-courant des musiques non seulement commerciales, mais aussi internationales. Dans une certaine mesure, nous pourrions évoquer des liens avec l’adolescence de Pascal Dusapin repris dans l’Ecole de la Cause freudienne (Dusapin 2008). Parlant de Xenakis, il dit : « il est le fusible par lequel j’ai pu entrer en connexion avec un monde musical très normé, pré-jugé, construit sur des hiérarchisations non seulement techniques, mais aussi sociales » (Dusapin 2008, 217).

Musicalement, Art Zoyd était pour moi une sorte de chainon manquant entre la musique classique, celle que pouvait écouter les « vieux », et la musique rock ou pop qui pouvait rapidement basculer dans une sorte de « soupe commerciale ». Adolescent, j’étais à la recherche d’une distinction par la différence. Sociologiquement, cette musique permettait d’affronter le discours politique ambiant et d’espérer suivre une autre voie que celle imposée.

Je me trouvais en phase avec la Symphonie pour le jour où bruleront les cités, car le titre lui-même était provocateur, à la teneur révolutionnaire. Était-ce une prophétie, une vision d’un futur possible que nous découvrions à peine quinze ans après mai 68? Cela sonnait bien, et cette musique qui ne plaisait ni à mes parents ni à beaucoup de mes copains était parfaitement dérangeante. Je m’y suis attaché et suis resté fidèle à l’évolution du groupe jusqu’à nos jours. Dans les phénomènes de résilience, la prise en conscience se produit à un moment opportun, un kairos, qui peut être porté par un « tuteur de résilience » (Bouteyre 2008). Cette fonction est ici dévolue à une formation musicale et à un ensemble de personnes qui, individuellement, n’auraient sans doute pas provoqué ce mini-cataclysme.

Le fait d’avoir connu le producteur d’Art Zoyd m’a permis de suivre de très près cette aventure humaine. J’ai été plusieurs fois invité à Maubeuge, à Paris ou à Lyon, pour assister aux concerts du groupe. La première fois, j’ai dormi chez Gérard Hourbette avec d’autres, à la bonne franquette. C’était pour l’album Berlin. J’étais arrivé dans l’après-midi à moto et j’avais assisté aux derniers réglages. Les lumières étaient blanches, pas de couleur, et la troupe de danseurs du Vorgänge Bewegungstheater m’avait profondément marqué, dansant dans la tourbe. Je regrette de ne pas avoir été en capacité d’observer à la manière ethnographique ces événements qui me reviennent aujourd’hui par bribes. Je me souviens du petit déjeuner, et du croissant, et Richard qui récupérait les dernières miettes éparpillées sur la table. Je me souviens de la discothèque de Gérard, impressionnante, constituée de plusieurs centaines de disques compacts. Tout cela a contribué à cette prise de conscience, malgré eux et malgré moi. Cela m’a forcément convaincu de rester fidèle à cette musique et à ces musiciens. C’est peut-être à ce moment-là que j’ai décidé de reprendre mes études d’ethnologie.

Conclusion

Le groupe Art Zoyd s’engage dès les années 1975 à construire une forme musicale originale avec comme point de mire l’émancipation des habitants de la cité. Vaste programme où la ville est au centre des préoccupations, tout du moins dans les titres et les thèmes musicaux. Cette formation, animée autour d’acteurs iconoclastes, va arriver à tenir la distance et à devenir une sorte d’institution musicale, ce qui en soi relève d’un paradoxe. Mais sur la période des quarante dernières années, l’aménagement du paradigme s’accompagne d’une certaine ligne de pensée que nous pourrions suivre dans la continuité de l’œuvre.

La lecture du manifeste évoque des sentiments de révolte, de menaces, d’une mise en garde qui n’a pas été suivie d’un point de vue « mouvement social », mais qui s’est révélée arriver, notamment dans ce que les sociologues ont appelé « la crise des banlieues » (Stebe 2010). Figure de visionnaire en prise avec l’air du temps, Art Zoyd n’a pas eu pour vocation de chercher à tenir la distance et s’est peu à peu dirigé vers d’autres formes de musicalité, mais souvent en relation avec le thème de la ville. La mise en musique du film Métropolis de Fritz Lang (1927), en 2003, en est un exemple, comme auparavant la mise en musique du livre de Philip K. Dick Ubik, nommée u.B.I.Q.U.e, en 2001 et déjà présent en 1997 dans son orthographe originale dans l’album Häxan.

Art Zoyd a par conséquent une place particulière dans l’histoire de la musique comme dans celle de la ville. L’association de ces deux éléments nous conduit à découvrir comment penser la ville à travers la musique dans ses aspects sociaux et politiques. À certains égards, cette musique est aussi émancipatrice, tant par sa forme que par ses propos. En quelques sortes, la musique d’Art Zoyd est devenue une œuvre politico-esthétique, proche des undercommons. Pour le récepteur que je suis, cette œuvre a grandement participé à mon émancipation et à mon devenir, tel un catalyseur de résilience. Penser qu’une autre histoire était possible a permis de comprendre que notre libre arbitre n’est finalement qu’en prise avec nous-mêmes.

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  1. Nous renvoyons aux travaux de Pierre Bourdieu sur la critique de la notion de classe moyenne (Bourdieu, 2016).↩︎

  2. Pour une approche de l’histoire de la scène du rock noir se reporter à Loddo 2007.↩︎

  3. Klemen Breznikar, interview du 24 novembre 2011, consultable sur http://psychedelicbaby.blogspot.com/2011↩︎

  4. Klemen Breznikar, ibidem.↩︎

  5. Correspondance par courriel du 14 octobre 2015.↩︎

  6. Art zoyd 3, enregistré du 30 août au 9 septembre 1976, à Toulouse, studio Tanagra, production Michel Besset, association loi 1901 Art Zoyd, Carmaux. Maquette H2L Publicité Valenciennes, 001 Stéréo-Mono.↩︎

  7. Correspondance par courriel du 14 octobre 2015.↩︎

  8. Une des pièces principales reste cependant Trois miniatures, composée par Alain Eckert sur l’album Génération sans futur (1980).↩︎

  9. Les statuts de l’association Art Zoyd 3 sont déposés le 21 septembre 1976 à Carmaux (81).↩︎

  10. Les durées sont données à partir de la deuxième version, enregistrée en 1980.↩︎

  11. Correspondance personnelle du 30 octobre 2015.↩︎

  12. La version originale de l’album LP produite par AZ production Michel Besset, 001, France de 1976 a été repressée en 2008 à partir de plusieurs LP d’origine, chez Belle antique, Japon, 08 1362. Le réenregistrement de 1981 a été produit par Atem, France, n°7010, puis repressé en 1984 chez Cryonic, France, MAD 3006, en version LP, puis en 1990, chez Coma Records, France, COM 6018, en version LP, puis repressé en 2008, chez Belle Antique, Japon, BELLE 081365, en version CD, puis en 2011, chez Sub Rosa, Belgique, SRV330 en version LP et CD. Vient s’ajouter une version symphonique officielle, créée en 2022 par Jérôme Combier, chez Arts Zoyd Studios.↩︎

  13. Propos rapportés par Patricia Dallio, correspondance personnelle, avril 2015.↩︎

  14. Si les partitions sont élaborées au moment de la création des pièces, beaucoup d’entre elles ont disparu, comme le relate Clarisse Bardiot (Bardiot 2021).↩︎

  15. Gérard Hourbette, tout comme Thierry Zaboitzeff, a tendance à nommer « musique contemporaine » les courants de musique classique moderne sans distinction.↩︎

  16. https://musiquesnouvelles50ans.wordpress.com/2013/06/19/gerard-hourbette-au-dela-de-lhumain-au-coeur-de-la-matiere/ (consulté le 22 septembre 2024).↩︎

  17. Correspondance personnelle du 14 octobre 2015.↩︎

  18. Correspondance par courriel du 30 octobre 2015.↩︎

  19. Le groupe Magma, fondé par Christian Vander à la même époque, s’appuie sur l’imaginaire de la planète Kobaïa et du langage spécifique le kobaïen, qui, au fil de temps, s’est vu construire une grammaire, mais qui ne traverse pas le cercle des initiés. La plupart des chansons des albums sont écrites en kobaïen, et souvent traduites, ce qui permet aux fans de s’emparer de ces éléments linguistiques au demeurant sommaires. Par exemple, la phrase "Zaïn maïtrazaï deh solam ektah zeuhl trödën" signifie « la lumière sacrée guide l’âme à travers la voie éternelle de la Zeuhl », cette dernière étant la musique des forces de l’univers.↩︎

  20. Un musicien de jazz peut rejouer un thème, mais pas un album complet.↩︎

  21. Entretien téléphonique du 28 avril 2015.↩︎

  22. Correspondance par courriel du 8 avril 2015.↩︎

  23. Ce qui ne rend pas ses apports mineurs, comme en témoigne la pièce Trois miniatures, écrite par Alain Eckert, qui reste emblématique de la première période et que l’on retrouve dans la collection « les génies du rock », n° 38, aux éditions Atlas, 1993.↩︎

  24. Entretien avec Jean-Pierre Soarez. Cette attitude du public m’a été confirmée par d’autres musiciens. J’ai moi-même été témoin des réactions de surprise du public.↩︎

  25. Correspondance par courriel du 14 octobre 2015.↩︎




Musiques : Recherches interdisciplinaires 1, n°2