Faciliter l’accordage des mouvements des jeunes élèves à la pulsation d’une œuvre musicale diffusée en classe
François Joliat
Haute école pédagogique BEJUNE
Antonio Trajanoski
Haute école pédagogique du canton de Vaud
Résumé
Pour Émile Jaques-Dalcroze (1865–1950), demander aux jeunes enfants de synchroniser l’allure de leur marche aux accents forts et faibles de la musique constituait la rampe de lancement vers la conscience rythmique. À sa suite, des générations d’enseignants ont initié leurs jeunes élèves au sens du rythme en répliquant cette manière de faire en classe. Aujourd’hui, le Plan d’études romand (PER) (CIIP 2010) prescrit toujours ces activités au cycle 11.
Pourtant, la littérature scientifique à ce sujet tend à montrer que les mouvements non locomoteurs seraient mieux adaptés que la locomotion pour faciliter les premières expériences d’accordage des segments corporels à la pulsation d’une œuvre musicale diffusée en classe. Dès lors, faut-il encore débuter l’instruction rythmique par des activités qui incitent les jeunes élèves à ajuster leurs pas sur la pulsation d’une musique diffusée en classe?
En première partie de cet article, nous exposons les principes fondateurs de la rythmique dalcrozienne, suivis d’une revue de la littérature sur les différents niveaux d’accordage des mouvements des jeunes enfants à la musique (la synchronisation et la syntonisation).
En deuxième partie, nous présentons les résultats d’une recherche exploratoire qui a tenté de déterminer quelle posture (locomotrice debout/non locomotrice assise) serait la plus favorable à la synchronisation des mouvements d’un échantillon aléatoire de neuf élèves de 5 ans (+/- 6 mois) à la pulsation d’un Allegro d’un concerto pour violon de Vivaldi.
En troisième partie, nous analysons les résultats obtenus et les mettons en discussion avec les implications pédagogiques qu’ils suggèrent pour les enseignants.
La rythmique Jaques-Dalcroze : de la marche à la danse
Au théâtre grec antique, les trois formes d’art, la danse, la musique et la poésie, étaient étroitement reliées (Brown 2018; Dom Mocquereau 1927 [1908], cité par Court 1992). Lorsque les chœurs dansaient, l’arsis/elevatio désignait le moment où les syllabes des textes chantés appuyaient le mouvement d’élan des corps qui s’élevaient et la thesis/deposito, le moment où elles appuyaient le mouvement des corps qui s’abaissaient à leur point de terminus, lorsque les pieds touchaient le sol; d’où l’emploi du terme touchement pour désigner l’accent durant la marche, soit pour prendre un appui et s’élever à nouveau, soit pour retrouver l’appui du corps au repos. Lorsque les chœurs chantaient, les termes d’arsis/elevatio et de thesis/deposito correspondaient aux mouvements corporels d’élévation et d’abaissement que produisait le coryphée (étymologiquement : le sommet de la tête), « le maître de chœur qui, avec le pied ou la main, indiquait les ondulations rythmiques et mélodiques des textes [que les voix du chœur devaient exécuter] » (Court, 187).
Au début du XXe siècle, sous l’impulsion du musicien, compositeur et pédagogue genevois Émile Jaques-Dalcroze, l’éducation musicale par le mouvement – la plastique animée, la rythmique, la danse – a fait son apparition dans les écoles enfantines de Suisse romande (Joliat 2009). L’éducation musicale d’inspiration dalcrozienne, dont les racines épistémologiques remontent à la Grèce antique (Sadler 1912), a répondu au besoin naturel des jeunes élèves d’entretenir un rapport corporel à la musique. En corrigeant les « insuffisances cérébrales », l’exécution de mouvements correctement synchronisés à la pulsation de la musique serait la « rampe de lancement » à la conscience rythmique (Jaques-Dalcroze 1920, 6). Pour Jaques-Dalcroze, développer la conscience rythmique permettrait de transformer les techniques du corps quotidien en techniques du corps spécialisé (Mauss 2021 [1934]) de rythmicien, un artiste à la fois musicien, danseur et acteur (Mili et al. 2013). Ce spécialiste rythmicien serait capable de s’accorder à n’importe quel style musical pour en absorber le caractère et le réverbérer par des mouvements bien dessinés dans l’espace.
La méthode de rythmique dalcrozienne se caractérise par les principes suivants :
Les études ne doivent pas commencer par la formation de l’oreille musicale, mais par des expériences « d’ordre motile » : des évolutions dansées soutenues par de la musique, car « [l]e rythme est une forme de mouvement, de nature primaire » alors que « [l]e son est une forme de mouvement, de nature secondaire » (Jaques-Dalcroze 1965 [1920], 44). À l’aide de « recherches particulières », les élèves « rassemblent en eux-mêmes les éléments nécessaires à la figuration du rythme pour développer la représentation corporelle des valeurs musicales » (Jaques-Dalcroze 1920, 60).
« La marche régulière » leur « fournit un modèle parfait de mesure et de division du temps en parties égales […] [et constitue] le point de départ naturel de l’initiation de l’enfant au rythme » (Jaques-Dalcroze 1920, 55).
« Le maintien ferme d’un tempo est la base de toute faculté rythmique » (Beopple 1924, 10).
La conscience rythmique, une fois formée, génère « une influence réciproque de l’acte rythmique sur la représentation [et] de la représentation sur l’acte » (Jaques-Dalcroze 1907, cité par Bachman 1984, 26).
L’activité de la marche est mise au service « de la continuité des processus de spécialisation qui va du corps quotidien vers le corps performatif de l’artiste, musicien, danseur, acteur » (Mili et al. 2013, 90).
Les pratiques rythmiques à l’école
Dans les écoles de Suisse romande, développer le sens du rythme avec de la musique a toujours été une préoccupation partagée par les enseignants des premiers degrés de la scolarité (Schumacher 2002). Aujourd’hui encore, pour développer les apprentissages rythmiques au cycle 1, le Plan d’études romand (PER) préconise la « création de mouvements corporels en suivant une pulsation […] en rapport avec le caractère de la musique » (CIIP 2010). Les enseignants demandent à leurs jeunes élèves d’ajuster l’allure de leur marche – mais aussi des pas sautillés ou des pas de galop – sur la pulsation d’une œuvre musicale pour « entrer dans la danse de l’œuvre » en fonction des temps forts et faibles qu’ils ressentent.
Mais cette marche ajustée à de la musique est-elle véritablement « la rampe de lancement » pour accéder à la conscience rythmique pour cette tranche d’âge, comme le soutenait Jaques-Dalcroze? Au contraire, ne faudrait-il pas commencer cette initiation en réduisant les degrés de liberté des mouvements des élèves pour faciliter leurs tentatives d’ajustement audiomoteur à la métrique d’une musique diffusée, comme le suggèrent les recherches récentes sur la question?
L’organisation motrice des jeunes élèves à la pulsation d’une musique
Le terme pulsation définit « la perception du regroupement régulier d’événements sonores selon des fonctions récurrentes de regroupement temporel » (Frigyesi 1999, 57). Pour Francès (1984 [1958]), une mélodie contient des schèmes cinétiques qui activent à la fois la modalité auditive et la modalité kinesthésique. La direction tonale globale d’une mélodie ou la direction de ses différents intervalles suggèrent des mouvements vers le haut ou vers le bas. L’amplitude tonale de la mélodie ou celle de ses différents intervalles suggèrent l’amplitude spatiale du mouvement ou de mouvements successifs. Ses articulations temporelles (organisation de la durée, sons successifs et silences) peuvent s’interpréter sous forme d’articulations motrices (Brown 2018).
Technique du corps quotidien et synchronisation musicale
Seule, l’espèce humaine serait capable de percevoir la pulsation d’événements acoustiques lorsqu’ils sont répétés à des intervalles de longueur plus ou moins identique et de les organiser en formes cycliques récurrentes pour se synchroniser à ces événements avec des actions vocales et/ou corporelles isochrones (Merker et al. 2015). Pour Fraisse (1974), tapoter des doigts sur une table ou taper du pied sur une musique d’ambiance constitue des conduites de « synchronisation d’induction motrice ». La synchronisation désigne une technique du corps quotidien (Mauss 2021 [1932]) qui lui permet d’activer son corps ou une partie de son corps en fonction d’un stimulus rythmique.
Chez les jeunes enfants, l’expression motrice des structures périodiques de la musique apparaît dès l’âge d’une année, lorsqu’ils balancent leur corps, debout ou assis (Fraisse 1974). Vers l’âge de 3–4 ans, ils synchronisent la frappe des mains sur la pulsation d’un métronome et, vers 7–8 ans, sur différents tempi (Moog 1976). Gilbert (1980) a montré que la synchronisation à la musique avec la frappe d’une main sur les genoux apparaît précocement, suivie de la synchronisation bilatérale des mains sur les genoux, puis de la synchronisation parallèle des deux mains. Rainbow (1981) a montré que parmi 73 élèves de 4 ans, 40 à 60% pouvaient frapper dans les mains de manière statique sur la pulsation d’un stimulus musical. Seuls 18 à 20% étaient capables de marcher en maintenant la pulsation et moins de 15% étaient capables à la fois de marcher sur la pulsation et de frapper des mains. Robertson (1984) a montré que, pour des élèves de 5 ans (+/- 6 mois), la synchronisation rythmique non locomotrice (frappe dans les mains) était plus facile que la synchronisation locomotrice (marche, course, saut à la corde).
Des études plus récentes suggèrent que ces capacités de synchronisation peuvent se révéler de manière plus précoce encore, si la musique sur laquelle les jeunes enfants tentent de synchroniser leurs mouvements se rapproche de la cadence de leur marche spontanée de 120 battements/min. (Albaret et al. 2018). Les racines culturelles de la musique diffusée et l’origine culturelle des élèves peuvent aussi influencer la qualité de la synchronisation (Guillot 2011), tout comme un environnement musical favorable et l’exposition répétée aux médias musicaux (Gembris et Davidson 2002; Tillman et al. 2005) ou encore des apprentissages musicaux explicites (Zachopoulou et al. 2003).
Malgré la fiabilité de ces résultats quant aux capacités des jeunes élèves à synchroniser leurs mouvements sur de la musique, les experts du domaine encouragent la recherche à approfondir la question en fonction des variables d’âge, de sexe, de supports musicaux, de modalités d’exécution corporelle et de ses combinaisons (non locomotrices/locomotrice, bras/jambes, mouvements parallèles/alternés) (Agdiniotis et al. 2009; Derri et al. 2001). Les modalités pédagogiques pour guider les enseignants à synchroniser les mouvements de leurs jeunes élèves à la musique doivent également être clarifiées (Marinšek et Denac 2020; Venetsanou et al. 2014) pour leur permettre de vivre des expériences musicales plus significatives et mieux incarnées (Juntunen et al. 2004; 2016; Nijs 2019; Nijs et Bremmer 2019; Seitz 2005). Mais comment la littérature scientifique renseigne-t-elle sur la capacité des jeunes enfants à organiser leurs mouvements et à les ajuster à la pulsation d’une musique diffusée en classe? Et comment renseigne-t-elle sur l’évolution de cette capacité en fonction de son développement psychomoteur et en fonction de l’accumulation des expériences?
Posture et synchronisation
Chez les jeunes enfants, l’apprentissage moteur consiste à élaborer une succession d’ajustements tonico-posturaux (Bullinger 2004) nécessaires à maîtriser les degrés de liberté des segments corporels pour mieux contrôler leurs mouvements afin d’atteindre un objectif précis avec des actions efficaces et économiques (Durant 1987).
L’ajustement tonico-postural est le premier point de fonctionnement de l’initiation motrice, mais également un point de vue psychologique pour se situer dans l’espace, sentir, toucher et entendre.
Il n’y a pas de justes postures [mais de bonnes postures], des flux posturaux qui assurent une continuité des situations, une permanence d’être-là, dans une dynamique de présence, terme à entendre comme une pro-motion de soi (…) se porter à l’avant de soi, vers ce qu’on est presque, mais pas encore tout à fait (…). La bonne posture est celle qui permet de soutenir des projets [d’action], de dialoguer avec son environnement, avec une disponibilité et une adaptabilité optimale. (Lesage 2018, 160)
Une fois l’ajustement tonico-postural stabilisé, l’initiation motrice revêt deux formes distinctes pour organiser les degrés de liberté du mouvement pour produire des actions d’accordage efficaces et économiques à la pulsation d’une œuvre diffusée en classe (Condon 1976, cité par Stadler Elmer 2015, 116) :
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l’autosynchronisation, la coordination simultanée des mouvements de différentes parties du corps pour exécuter une action;
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la synchronisation interactive, la capacité d’aligner les mouvements sur la pulsation d’une œuvre diffusée en classe.
Posture locomotrice ou non locomotrice : une question de complexité de la tâche
En posture assise, non locomotrice, la saisie bimanuelle d’un objet est considérée comme une « tâche simple »2 (Teulier et Nourrit-Lucas 2008), parce que le système moteur supérieur n’engage qu’une seule chaîne d’articulations, la majorité des degrés de liberté du corps étant « gelés ». Dans cette posture, frapper dans les mains (autosynchronisation) sur la pulsation de la musique (synchronisation interactive) est considérée comme une « tâche simple ».
En posture debout, locomotrice, la marche naturelle est considérée comme une tâche complexe (Berthouze et Goldfield 2007; Wulf et Schea 2002), parce que la plupart des articulations du système moteur inférieur et supérieur sont engagées en fonction d’un grand nombre de degrés de liberté. Organiser sa marche (autosynchronisation) sur la pulsation de la musique (synchronisation interactive) est considérée comme une tâche complexe (Bernstein 1967), parce que les systèmes moteurs, inférieur et supérieur, sont engagés pour accorder les mouvements au flux musical.
En posture debout, locomotrice, exécuter des pas de danse de style sur la pulsation de la musique est considérée comme une tâche très complexe (Phillips-Silver et al. 2011), parce qu’il faut parvenir à calibrer ses segments corporels inférieurs et supérieurs (autosynchronisation) en fonction des codes stylistiques de la danse et les ajuster aux accents forts et faibles (arsis et thesis) de la pulsation de la musique (synchronisation interactive).
Technique du corps spécialisé et syntonisation musicale
L’être humain est capable d’anticiper le prochain événement sonore, alors que les animaux n’y parviennent pas (Repp et Su 2013). La syntonisation désigne une technique du corps spécialisé (Mauss 2021 [1932]) qui permet d’ajuster, de maintenir et d’anticiper une pulsation au flux musical avec la prise en compte de feedbacks générés par des processus continus de contrôle des mouvements (surveillance et vérification) : un traitement de l’information de haut niveau.
« Le signal de la réponse [n’étant plus] le stimulus sonore, mais l’intervalle temporel entre les signaux successifs » (Fraisse 1974, 63), le corps exercé d’un musicien ou d’un danseur parvient à se syntoniser à la danse de la musique pour entretenir un rapport actif à sa signification profonde, en fonction d’un réseau interconnecté complexe qui relie son système postural, moteur, sensoriel, affectif et cognitif (Clayton et al. 2005; Leman et al. 2012; 2018).
Retour sur la théorie dalcrozienne
Les théories associationnistes de la fin du XIXe siècle défendaient l’idée d’une association directe entre la qualité de la perception du rythme et la qualité de la construction de la conscience rythmique (De la Motte-Haber 1994; Joliat 2008). Ces théories ont largement inspiré Jaques-Dalcroze (Mili et al. 2013) dans ses explications au sujet du bien-fondé de la marche libre des élèves en tant que rampe de lancement pour accéder à la conscience rythmique : l’absorption corporelle « des formes sonores en mouvement » (Hanslick 2004 [1893], 91), captées par leur oreille, ferait résonner leur corps tout entier. La force amplificatrice produite par la résonance corporelle de l’expérience musicale auditive associerait « mécaniquement » cette résonance corporelle en acte de conscience rythmique, capable d’activer « la représentation du rythme, image reflétée de l’acte rythmique […] [et de la faire vivre] dans tous nos muscles » (Jaques-Dalcroze 1907, cité par Bachmann 1984, 26).
La capacité de cette « conscience rythmique » de formater la corporéité de manière spécifique3 – l’« image reflétée de l’acte rythmique, [qui] vit dans tous nos muscles » (Jaques-Dalcroze 1907, cité par Bachmann 1984, 26) –, comme l’écrivait Jaques-Dalcroze, est aujourd’hui confirmée par la recherche sur le phénomène de syntonisation à la musique chez les experts (Peckel et Bigand 2015). Mais les étapes jalonnant l’élaboration de cette conscience rythmique chez les élèves sont plus complexes. Elles ne se réduisent pas à l’amplification de la résonance corporelle par l’accumulation d’expériences d’ajustement de la marche sur la pulsation d’une musique, comme le soutenait Jaques-Dalcroze. Nous proposons d’en baliser les étapes.
La synchronisation : un phénomène perceptivo-moteur de bas niveau
À partir d’ajustements tonico-posturaux, les jeunes élèves maîtrisent une posture qui les rend capables d’organiser les mouvements des segments corporels de leur propre corps (autosynchronisation) pour ensuite tenter de les ajuster à la pulsation de la musique (synchronisation interactive) (Condon 1976, cité par Stadler Elmer 2015).
Cependant, en référence à « la synchronisation d’induction motrice » de Fraisse (1974), le flux de ces expériences de synchronisation (percepts), acquises durant la fréquentation de l’exposition à un contenu musical (knowledge-by-acquaintance), est de forme analogique et n’a pas d’autre signification que ce qu’elles expriment dans la continuité temporelle de leur immédiateté stimulatrice (Reybrouck 2001).
La syntonisation : un phénomène idéo-moteur de haut niveau
Les élèves doivent encore être capables de réélaborer ces expériences de synchronisation interactive en opérations mentales, selon une fonction psychique accommodante interne, pour isoler, transformer, recomposer leurs propriétés sous forme de matrice rythmo-motrice (Reybrouck 2001). Ils doivent encore être capables d’agir dans des situations musicales nouvelles, de manière très rapide et très efficace, à la manière des experts (Gobet 2011; Sternberg et Grigorenko 2003), en générant des programmes idéomoteurs : des évocations d’action, des images motrices (Jeannerod 2002).
Par une pratique musicale intense et assidue (Ericsson et Charness 1994), les élèves génèrent des programmes idéomoteurs toujours plus efficients. Une longue pratique délibérée et des techniques d’apprentissage ciblées leur permettent de construire des chunks (Sternberg et Grigorenko 2003), des séquences d’action précâblées, encapsulées dans la mémoire à long terme. Ces chunks permettent aux élèves devenus experts de performer dans des conditions nouvelles, de manière rapide, efficace et précise, avec une grande économie de moyens biomécaniques et structurels (Keller 2012). Pour autant, il faut que les caractéristiques de ces situations nouvelles soient compatibles avec les caractéristiques des situations à l’origine de la constitution de ces chunks (Joliat 2013).
Ainsi, la syntonisation, en tant que conscience performative des actions (Gallagher 2006), permet au système moteur de refléter la perception des changements d’énergie d’une œuvre musicale en tant que résonances corporelles et de les interpréter en tant que valeurs biologiques (Leman 2008).
Les conditions de la syntonisation
À la suite de cet éclairage scientifique, nous définissons les conditions suivantes pour que des élèves puissent réaliser une syntonisation sur de la musique diffusée en classe :
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traitement perceptif auditif du flux d’événements acoustiques répétés à des intervalles de longueur plus ou moins identique;
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regroupement perceptif des accents forts et faibles des événements sonores selon des fonctions récurrentes de regroupement temporel;
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organisation posturale liée à l’augmentation/réduction de la tonicité musculaire;
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organisation motrice liée l’augmentation/réduction des degrés de liberté du mouvement;
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ajustement postural et moteur à des formes cycliques récurrentes;
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interconnexion de réseaux affectifs et cognitifs;
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répétition d’expériences d’accordage avec de la musique diffusée;
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prévision de l’instant de production des intervalles temporels entre les signaux successifs (et non plus les accents forts et faibles);
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action rapide, stable, durable et avec le moindre effort grâce à la construction de chunks;
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construction d’une posture d’auteur : capacité d’agir, de juger, d’inférer et de décider pour émettre des jugements de goût et de valeur (Lebrun 2007).
Question de recherche
Chez de très jeunes élèves, l’entrée dans la danse sur une œuvre musicale est-elle véritablement favorisée par la posture debout, en marche libre, comme le soutenait Jaques-Dalcroze ? Pour débuter des expériences rythmiques significatives pour cette catégorie d’âge (Seitz 2005; Juntunen et al. 2004; 2016), ne faudrait-il pas, d’abord, placer les élèves en position assise pour que « le gel » des degrés de liberté facilite l’autosynchronisation de leurs mouvements et augmente leurs chances de synchronisation interactive à la pulsation de la musique?
Des élèves de 5 ans (+/- 6 mois) synchronisent-ils plus facilement leurs segments corporels à la pulsation d’une œuvre musicale :
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en posture debout (avec la frappe des pas sur le sol en marche libre) en référence à l’approche dalcrozienne; ou
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en posture assise (avec des frappes dans les mains) en référence aux recherches citées plus haut?
Méthode
En début d’année scolaire 2019–2020, un échantillon aléatoire de 9 élèves de 5 ans (+/- 6 mois) d’une classe du cycle 1 de Suisse romande (7 garçons et 2 filles) a participé à la recherche. Tous étaient novices, sans diagnostic de troubles dyspraxiques4.
Muni d’un casque qui diffusait l’« Allegro » du Concerto n°3 pour violon et orchestre en sol majeur, RV 310, d’Antonio Vivaldi (120 battements/min.) (voir Figure 1), chacun des neuf élèves a dû synchroniser ses actions motrices (synchronisation interactive) à la pulsation de la musique qui était diffusée durant un certain temps.
Figure 1: – Thème de « Allegro » du Concerto n°3 pour violon et orchestre en sol majeur, RV 310 d’A. Vivaldi
L’élève a effectué cette tâche dans deux postures différentes et selon deux modalités spécifiques : 1. en posture debout (modalité : marche libre) et 2, en posture assise (modalité : frappe dans les mains). L’accompagnateur indiquait à l’élève à quel moment il devait changer de posture (voir Figure 2).
Figure 2: – Situation de synchronisation interactive d’un élève en posture debout/marche libre à l’« Allegro » du Concerto n°3 pour violon et orchestre en sol majeur, RV 310, de Vivaldi diffusé dans un casque audio
En T1, l’élève devait synchroniser sa marche libre dans la salle (Walking = W) sur la pulsation de l’« Allegro » qui défilait dans son casque.
En T2, à un signal fourni par l’expérimentateur, l’élève devait s’asseoir et synchroniser la frappe dans les mains (Sitting, clapping hands = Sc) sur la pulsation de l’« Allegro » qui continuait de défiler dans son casque (voir Figure 3).
L’ensemble de la procédure a été filmée. Pour chaque élève, l’expérimentation a été répliquée trois fois de suite (test/retest), à une semaine d’intervalle.
Figure 3: – Parcours de synchronisation interactive à l’« Allegro » du Concerto n°3 pour violon et orchestre en sol majeur d’A. Vivaldi : posture debout (W) et posture assise (Sc) et grille de relevé des scores
La partition de « Allegro » du Concerto n°3 pour violon et orchestre en sol majeur, RV 310 (voir Figure 1), contient 64 mesures de quatre temps chacune (4/4), ce qui génère 256 pulsations au total. Nous avons construit une grille d’analyse systématique des comportements de synchronisation (Coutu et al. 2005) contenant 256 cases (1 case pour chaque temps des 64 mesures du morceau) que nous avons codées 1-2-3-4 et 5-6-7-8 et 9-10-11-12, etc., jusqu’à 256, 1, 5, 9, etc., étant les temps forts de chaque mesure (voir Figure 3). Nous avons aligné la grille d’analyse des scores à la performance filmée de chaque élève. Lorsque l’image/son de la vidéo défilait, nous avons coché chaque case des pulsations de la grille selon un codage binaire (1 = réussi / 0 = échec) pour indiquer si l’élève avait synchronisé sa frappe ou non à la pulsation de la musique dans les deux modalités (W-Sc) (voir Figure 3). La procédure a été répliquée trois fois, à une semaine d’intervalle. Pour chaque modalité, nous avons calculé le pourcentage des scores réussis (1), 100 étant le nombre de pulsations de la partition sur lesquelles l’élève avait maintenu sa posture en T1 et T2.
Résultats
Nous présentons ci-dessous les scores de réussite (en %) des 9 élèves aux deux modalités de synchronisation interactive (walking W – sitting Sc) à l’Allegro de Vivaldi pour les trois passations (Attempt 1, 2, 3).
Scores de synchronisation interactive W et Sc
En marche libre (walking freely, W), seuls deux élèves, S7 (scores = 42; 63; 51) et S1 (scores = 39; 19; 62), parviennent à synchroniser leurs pas à la pulsation de l’Allegro en posture debout, pour les 3 passations (Attempt 1, 2, 3). S3 (scores = 0; 14; 40) et S6 (scores = 26; 0; 14) y parviennent pour 2 essais et S4 (scores = 29; 0; 0) y parvient pour 1 essai. Quatre élèves (S2, S5, S8, S9) ont échoué aux trois essais.
En posture assise (sitting hands clapping, Sc), tous les élèves ont réussi à synchroniser leur frappe à la pulsation de l’Allegro pour au moins un essai. Six élèves réussissent pour les 3 essais : S2 (scores = 88; 61; 80), S1 (scores = 66; 58; 33), S6 (scores = 56; 31; 61), S3 (scores = 0; 37; 10), S8 (scores = 29; 23; 53) et S4 (scores = 13; 40; 24). Deux élèves ont réussi pour 2 essais, S5 (scores = 59; 47; 0) et S9 (scores = 0; 64; 32), et un élève, S7 (scores = 0; 0; 23), pour 1 essai.
Médiane (Md) des scores des élèves (S1-S9) aux trois passations à la synchronisation interactive W et Sc
Nous avons ensuite calculé la médiane (Md) des scores des trois passations de chaque élève (S1-S9) pour chacune des modalités (W et Sc) (voir Tableau 1).
Tableau 1: Scores médians (Md) des élèves (S1-S9) aux trois essais pour les deux modalités (W/Sc)
Nous avons empilé chaque score médian (Md) de chaque modalité (W/Sc) par élève (S1 à S9) et avons classé les élèves par ordre décroissant des meilleurs scores médians qu’ils avaient obtenus à la modalité Assis frappe dans les mains (Hc) (voir Tableau 2).
Tableau 2: Classements des élèves en fonction de leur score médian (Md) pour la modalité Assis, frappe dans les mains et Marche libre (W)
Modalité Marche libre (W)
Seuls 4 élèves sur 9 (MdW S7 = 51; MdW S1 = 39, MdW S6 = 24 et MdW S3 = 14) réalisent un score médian à la modalité Marche libre (W) supérieur à 0 (voir Figure 5). Notons que seul l’élève (S7) avait obtenu 3 scores homogènes à cette modalité de Marche libre (W) (scores = 42; 63; 51) (voir supra) pour les trois passations. Pour cet élève cette capacité de synchronisation est stable en marche libre (W), ce qui n’est pas le cas pour les trois autres élèves (S1, S6 et S3) dont les scores moyens à cette modalité ne sont pas homogènes (voir supra).
En fonction de notre question de recherche, on peut dire que seulement pour ce même élève, la marche libre (W) a été « la rampe de lancement » pour développer sa conscience rythmique. Cependant, la performance de cet élève doit être considérée avec précaution, parce que malgré cette très bonne performance à la marche libre (W), il réalise des scores (M) nuls à l’autre modalité (Hc) (voir supra). On peut donc le considérer comme un cas particulier.
Quant aux trois autres élèves de ce groupe, S1 (MdW = 39/MdHc = 58), S6 (MdW = 24/MdHc = 56) et S3 (MdW = 14/MdHc = 35) (voir Tableau 2), on observe que la modalité Assis frappe dans les mains (MdHs) obtient un score médian presque doublé et plus que doublé par rapport à la modalité Marche libre (MdW). On peut donc réfuter l’hypothèse que pour ces trois élèves la Marche libre (W) a été « la rampe de lancement » pour développer la conscience rythmique puisque la modalité Assis/frappe dans les mains (Hs) obtient un score médian quasi doublé et plus que doublé.
Modalité Assis/frappe dans les mains (Hs)
Par contre (voir Figure 5), huit élèves sur neuf (MdHc S2 = 80; MdHc S1 = 58; MdHc S6 = 56; MdHc S5 = 47; MdHc S3 = 35; MdHc S9 = 31; MdHc S8 = 29; MdHc S4 = 57) obtiennent le meilleur score médian à la modalité Assis/frappe dans les mains (Hc). On peut donc dire que pour ces huit élèves, la modalité Assis/frappe dans les mains (Hs) a été non pas « la rampe de lancement », mais « la voie universelle », « un ensemble de principes liés au développement du curriculum qui favorise les possibilités d’apprentissage égales pour tous les élèves » (Rose et Meyer, 2002, 5) pour développer la conscience rythmique.
Discussion
Avec toute la prudence requise avec notre faible échantillon de 9 élèves de 5 ans (+/- 6 mois), les résultats élevés pour la synchronisation interactive à la pulsation de cet Allegro en posture Assis frappe dans les mains (Sc) au regard de la posture Marche libre (W) rejoignent ceux de Gilbert (1980), Rainbow (1981) et Robertson (1984) pour la même catégorie d’âge. En effet, ils montrent, eux aussi, qu’une posture non locomotrice avec frappes dans les mains est préférable à la locomotion pour augmenter les chances des élèves de se synchroniser à la musique pour vivre une expérience plus significative et mieux incarnée (Juntunen et al. 2004; 2016; Nijs 2019; Nijs et Bremmer 2019; Seitz 2005).
Pour des élèves de 5 ans (+/- 6 mois), en posture assise, la frappe dans les mains en tant que saisie bimanuelle est une tâche simple (Teulier et Nourrit-Lucat 2008) alors que la marche est une tâche complexe (Berthouze et Goldfield 2007). Cependant, comme l’ont montré les résultats de Gilbert (1980), nous aurions pu construire une modalité de frappe avec la main dominante sur un genou en posture assise pour avoir encore de meilleures chances d’obtenir des scores élevés à la synchronisation interactive.
Quant à la question de savoir si le fait d’avoir commencé le test en posture debout puis en posture assise (plutôt que le contraire) aurait pu constituer un biais séquentiel, le test des corrélations des scores5 obtenus aux trois passations entre les deux modalités (Debout/marche libre et Assis/frappe dans les mains) montre que la valeur p est au-dessus de 0.05, ce qui suggère qu’il n’y a pas de biais séquentiel.
Limites
Cependant, les résultats doivent être interprétés avec précaution. La faible taille de l’échantillon, les petites différences d’âge, le déséquilibre entre le nombre de garçons et de filles, et les différences possibles d’entrainement préalable d’expériences de synchronisation interactive réalisées par ces élèves avant les tests sont des variables qui peuvent influencer les résultats (Agdiniotis et al. 2009; Derri et al. 2001; Zachopoulou et al. 2003). À cela s’ajoute la nature du support musical qui était l’Allegro de Vivaldi, une œuvre du grand répertoire de la musique classique qui demande de plus grandes capacités de « déchiffrage auditif » que le clic-clac d’un métronome ou d’autres stimuli auditifs élémentaires utilisés dans beaucoup de recherches antérieures (Fraisse 1974; Moog 1976 : Repp et Su 2013).
Synchronisation interactive individuelle ou collective?
Notre dispositif expérimental a impliqué que chaque élève, l’un après l’autre, réalise, pour lui-même, la tâche demandée. Mais, lorsqu’en groupe-classe, tous les élèves réalisent ensemble une activité de synchronisation interactive avec de la musique diffusée, il s’agit d’une tâche partagée. Dans cette configuration sociale où tout le monde se voit et s’entend et se sent bouger, il se produira certainement un effet de mimesis (Gebauer et Wulf 2004 [1998]). Lorsqu’un élève ne parviendra pas à synchroniser ses mouvements à la pulsation d’une œuvre diffusée, il aura encore la possibilité d’ajuster visuellement ses mouvements sur les mouvements de ses autres camarades et, de manière indirecte, il accédera à une possibilité détournée d’entrer dans « la danse de la musique ». Cette expérience réussie l’encouragera, à un autre moment, à poursuivre ses tentatives, sans l’aide de ses camarades.
Posture assise pour favoriser la synchronisation interactive
Les théories psychomotrices ont insisté sur l’importance de la posture en tant que manière d’être au monde pour soutenir des projets d’action avec une disponibilité et une adaptabilité optimale (Lesage 2018). Pour préparer la frappe dans les mains, la posture assise des jeunes élèves doit être, elle-même, aménagée : tonique, avec des points d’appui stables sur le sol, réalisés avec les pieds bien ancrés sur le sol (les chaises doivent être adaptées à la petite taille des élèves) et des points d’appui stables sur la chaise avec le bassin bien calé sur le basset de la chaise (Affolter et al. 2011) et la colonne vertébrale bien étirée à la verticale
La réduction des degrés de liberté des mouvements que cette posture impose facilitera la gestion de l’autosynchronisation des segments corporels supérieurs. Ainsi, la coordination des mouvements de synchronisation interactive à la pulsation d’une musique diffusée sera facilitée. De surcroît, en posture assise, les expériences de synchronisation interactive avec une œuvre musicale seront vécues avec plus de présence mentale si elles sont partagées collectivement dans l’espace d’usage musical de la classe (Zurcher 2017).
Perspectives interdisciplinaires et didactiques
Les résultats de cette recherche attirent l’attention des didacticiens du rythme sur l’importance de la posture assise, avec frappe des mains, pour débuter des activités de synchronisation rythmique avec de jeunes élèves. Ils ont également des applications directes pour la didactique de l’éducation physique et sportive (EPS). En effet, le Plan d’études romand (PER) prescrit les éléments suivants :
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CM 22 – Développer la coordination et la créativité.
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Expérimenter les mouvements en variant le tempo, le rythme et la cadence.
-
Combiner différents mouvements rythmiques, avec ou sans matériel, sur place et en mouvement (frapper des mains et sauter à la corde, balancer les bras et sautiller...). (CIIP 2010)
Conclusion
Notre recherche exploratoire a tenté d’apporter sa pierre à l’édifice, en questionnant le bien-fondé de la posture de la marche libre en tant que « rampe de lancement » vers la conscience rythmique dalcrozienne avec des élèves de 5 ans (+/- 6 mois) d’une classe ordinaire de cycle 1 de Suisse romande.
Malgré le fait que le tempo de cet Allegro ait répliqué l’allure de la marche spontanée des jeunes enfants (120 bat./min.) et que l’expérimentation ait été répliquée trois fois de suite, à trois semaines d’intervalle, nous avons constaté que leurs scores de synchronisation interactive locomotrice se sont révélés très décevants. Une des raisons possibles est qu’à cet âge, l’autosynchronisation (Condon 1976, cité par Stadler Elmer 2015) pour réaliser un mouvement de marche libre en posture debout est considérée comme une tâche motrice complexe qui implique plusieurs degrés de liberté mécanique et structurelle du corps. Cela semble inhiber l’accès à la synchronisation interactive.
Par contre, la posture assise avec des frappes dans les mains, parce qu’elle a obligé les élèves à figer plusieurs degrés de liberté mécanique et structurelle de leur corps (Teulier et Nourrit-Lucas 2008), leur a permis de réaliser une meilleure autosynchronisation, ce qui a clairement facilité la synchronisation interactive avec la pulsation de l’Allegro de Vivaldi. La posture assise a facilité une expérience incarnée (Juntunen 2004; 2016; Nijs 2019; Nijs et Bremmer 2019; Seitz 2005) de rencontre avec cette œuvre.
Notre recherche, bien que modeste, ouvre des possibilités de revisiter quelques aspects de l’enseignement du rythme par la musique avec de jeunes élèves en recomposant des parcours didactiques de synchronisation interactive à des œuvres musicales diffusées en classe au cycle 1 selon les possibilités suivantes :
-
l’espace de jeu pourra être structuré par l’agencement de chaises disposées en cercle sur lesquelles les élèves seront installés en posture assise de manière à voir l’ensemble des autres camarades de la classe;
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une fois que la classe entière aura établi un contact visuel, l’enseignant pourra débuter par des activités collectives de frappes dans les mains (mais aussi de frappes sur d’autres parties du corps) pour favoriser l’autosynchronisation et la synchronisation interactive à l’intérieur du groupe. Puis il poursuivra par des frappes dans les mains en synchronisation interactive avec la pulsation d’une œuvre musicale diffusée. Les capacités des plus aguerris seront ainsi « récupérées » par les élèves plus hésitants, encouragés à rester dans la danse de la musique, par un effet de mimesis (Gebauer et Wulf 2009 [2004]);
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cette même activité pourra se poursuivre les yeux fermés, afin que chaque élève construise les programmes moteurs adéquats pour réaliser à la fois les mouvements d’autosynchronisation et de synchronisation interactive;
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en posture assise, lorsque les élèves seront capables de maintenir la cadence de leur frappe dans les mains de manière stable et continue, alors ils pourront changer de posture et se mettre debout pour tenter une autosynchronisation et une synchronisation interactive en marche libre (sur place ou en déplacement), quitte à se rasseoir pour retrouver la pulsation, si elle leur a échappé.
La répétition d’expériences réussies de synchronisation interactive à la pulsation d’un grand nombre d’œuvres musicales permettra aux jeunes élèves de constituer des traces utiles à la construction d’images opératives motrices : des syntonisations capables de « décrypter » le texte de ces œuvres pour constituer des expériences esthétiques à valeur structurante. Ils auront les outils nécessaires pour mieux savourer les messages délivrés par les compositeurs à travers la construction d’une posture d’auteur (Lebrun 2007) et pour émettre des jugements de goût et de valeur afin de déterminer quelles œuvres sauront le mieux les éclairer dans leur parcours musical et dans leur parcours de vie.
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- Dans les écoles de Suisse romande, le cycle 1 concerne les quatre premiers degrés de la scolarité obligatoire pour des élèves de quatre à huit ans.↩︎
Lorsque nous évoquons la complexité de la tâche, il s’agit de la complexité motrice nécessaire à son exécution, et non spécifiquement de sa complexité musicale. La tâche peut conserver une complexité musicale identique, alors que le degré de complexité motrice peut varier.↩︎
Joliat (2008) a relaté que la théorie motrice des représentations auditives a été formulée pour la première fois en 1852 par Rudolf Hermann Lotze (1852), lorsqu’il fait explicitement référence à l’activation corporelle engendrée par les stimulations auditives. De surcroît, Lotze affirme que l’intensité et la précision de l’excitation nerveuse déclenchée par l’écoute de la voix correspondent au degré de compétence vocale réelle à produire le phénomène entendu, idée qui sera remise à jour et vérifiée d’une part par la théorie de l’image motrice exposée par Jeannerod (2002) et d’autre part par la théorie motrice de la perception de la parole de Liberman et Mattingly (1985).↩︎
Trouble du développement moteur pouvant affecter la coordination et l’automatisation de gestes volontaires.↩︎
SPSS, V21.↩︎