Béla Bartók in Italy: The Politics of Myth Making [Rencension]

Béla Bartók in Italy: The Politics of Myth Making [Rencension]

Jade Huard
Université Laval

Ouvrage recensé : Palazzetti, Nicolò. 2021. Béla Bartók in Italy: The Politics of Myth Making. Woodbridge : Boydell Press, 302p. ISBN : 9781783276202.


L’ouvrage monographique Béla Bartók in Italy: The Politics of Myth Making écrit par Nicolò Palazzetti a été publié en 2021. Son auteur a obtenu son doctorat au Centre de recherche sur les Arts et le Langage de l’École des Hautes Études en Sciences Sociales en 2016. Il y étudie, pendant trois ans, la réception de la musique de Béla Bartók en Italie. Sa recherche, suivant les traces de l’empreinte laissée par le compositeur hongrois, le transporte dans un voyage idéologique, historique, politique et culturel. C’est ainsi que de 2013 à 2016, il explore des centres d’archives et des bibliothèques allant de la France à la Hongrie, et bien sûr de son pays natal, l’Italie. L’ouvrage résultant de ce parcours invite le lecteur à retourner au XXe siècle afin d’explorer les dessous de la réception de la musique de Bartók en Italie, son impact, ainsi que l’impact de son compositeur lui-même.

Béla Bartok in Italy The Politics of Myth Making a pour but de mettre en évidence la nature simpliste de la perception de la résilience et du développement du mythe qui entoure la musique de Béla Bartók comme étant un produit de la Guerre froide. Dans son ouvrage, l’auteur tente aussi de dénoncer l’image de Bartók comme héros politique et emblème antifasciste. Pour ce faire, il adopte une approche historiographique et politique et reviens sur les idéologies de l’époque pour analyser les effets de la réception de la musique de Bartók en Italie, ainsi que les discours et les mythes qui en ont résulté. C’est à travers les notions de réceptivité et de fabrication des mythes que Palazzetti reconstruit le parcours de la musique du compositeur en sol italien, jusqu’à son ascension en tant que héros politique antifasciste. Ce parcours, découpé en six sections dans l’ouvrage, traverse des évènement marquantes du XXe siècle qui ont eu un impact important sur la création du mythe entourant Bartok. En premier lieu, le chapitre « Bartók in Liberal Italy, 1911-1925 » présente l’émergence de la réception de la musique de Bartók à titre de compositeur du canon, un titre le classant dans la catégorie des compositeurs dit « de bon goût ». On y découvre, entre autres, la musique du compositeur à travers la presse italienne et les yeux du compositeur Alfredo Casella sur lequel Bartók eut une influence très importante. En deuxième lieu, « Heroisme and Silence: Bartók in Mussolini’s Italie, 1925-1938 » traite des divers facteurs ayant permis l’ascension de la figure de Bartók comme héros politique durant l’entre-deux guerres. En troisième lieu, « Resistance and Dictatorship, 1939-1942 » fait part de l’antinazisme exprimé par le compositeur au cours de la Deuxième Guerre mondiale. Dans ce chapitre, son attitude hostile envers l’Allemagne nazie, en comparaison avec son attitude clémente envers une Italie fasciste est mise en lumière. En effet, Bartok avait l’Allemagne, car il était contre le nazisme, mais acceptait tout de même que sa musique soit jouée en Italie, et ce malgré la présence du fascisme et l’alliance de l’Italie avec l’Allemagne. En quatrième lieu, « Resistance and Democracy, 1943-1947 » traite de l’évolution de la réception de la musique de Bartók au cours de la guerre civile italienne. L’auteur utilise ici une approche historiographique afin d’illustrer les conséquences de la transition qui eut lieu à cette époque sur les arts et la culture du pays. En cinquième lieu, « Bartók’s Legacy in a Divided World, 1948-1956 » met en lumière le cadre éthique et politique qui a entouré la canonisation du compositeur hongrois. L’auteur y présente les divers débats autour de l’héritage laissé par Bartók. Finalement, le chapitre « Bartók’s influence on Italian Composers » montre l’impact que le compositeur a eu sur les compositeurs italiens et sur leur musique. L’auteur y explore alors les influences de la musique de Béla Bartók dans les œuvres de compositeurs tels que Petrassi, Donatoni et Maderna.

L’ouvrage Béla Bartók in Italy: The Politics of Myth Making permet de mieux comprendre toutes les façades construites autour du mythe héroïque du compositeur hongrois, tout en présentant les évènements historiques et les idéologies qui ont contribué à son essor et à son assimilation. La portée de cet ouvrage le rend donc idéal pour les chercheurs et chercheuses qui s’intéressent non seulement à la musique italienne, mais aussi à la recherche historiographie et ethnomusicologique, en particulier à ce qui a trait aux évènements marquants du XXe siècle. En effet, l’ouvrage couvre plusieurs événements critiques qui ont façonné la culture italienne et décrit l’apport de la musique de Bartók à celle-ci, sans pour autant qu’il ne s’agisse d’un ouvrage biographique sur la vie du compositeur. Il y est d’abord et avant tout question de la réception de la musique de Béla Bartók par les Italiens, des effets de cette dernière sur la création du mythe entourant Bartók, ainsi que des effets sur la culture du pays. Aussi, l’aspect politique et les idéologies évoquées dans l’ouvrage en font une base solide pour celles et ceux qui souhaitent brosser un portrait concret et concis du climat social en Italie entre 1911 et 1956. Finalement, cette monographie est un bon modèle pour ceux qui souhaitent conduire une étude ayant comme axe principal la réception et/ou la construction des mythes autour de compositeurs et compositrices ayant marqué leur époque.

Ce fut un réel plaisir pour moi de lire cet ouvrage. J’ai beaucoup apprécié la manière dont l’auteur construit les liens entre le contexte politique de l’Italie de l’époque et la musique de Bartók. En particulier, j’ai trouvé très intéressant d’en apprendre sur la relation entre l’Italie et la Hongrie, ainsi que sur l’attachement que les Italiens avaient alors pour les Hongrois. Cet ouvrage est très intéressant pour celles et ceux qui s’intéressent à cette relation d’un point de vue académique. De plus, la manière dont il est organisé fait en sorte qu’il est facile de suivre les idées évoquées par Palazzeti et de retrouver l’information. L’ouvrage comporte aussi plusieurs figures d’exemple musicaux qui viennent ajouter aux arguments qui y sont évoqués. Aussi, ce livre donne une vision renouvelée et originale des grandes guerres et de la réception musicale en temps de conflits. Il serait d’ailleurs intéressant de comparer cette vision centrée sur le point de vue des Italiens face à la musique de Bartók à celle qui fut associé à la réception de la musique de Richard Wagner en France à la même époque, par exemple. Je recommande fortement cette monographie à toute personne désirant approfondir le sujet.




Musiques : Recherches interdisciplinaires 2, n°1